Au moment où la question des contrats miniers commence à refaire surface, c’est fort curieusement que les bénéficiaires de ces mêmes conventions sont partis à la conquête du pouvoir politique. D’ aucuns se demandent comment les pyromanes se feront pompiers. Comment étouffer le scandale désormais historique de descendants spirituels de Lumumba qui auront vendu le Pays et son patrimoine minier, gages de sa souveraineté et de son développement durable ?
L’ opinion publique se réfère encore au Panel de l’ONU sur le pillage des ressources naturelles et à la Commission Parlementaire Lutundula comme à des Bibles en la matière. Ces documents ont cependant pris de l’âge, car ils sont basés sur des situations antérieures à 2004. Nous sommes maintenant en 2007 ! Ces fameux rapports ne citent pas les contrats les plus importants, lesquels ont été conclus à la sauvette au cours de la dernière année de la Transition au détriment de la Miba et de la Gécamines à Kolwezi et à Tenke Fungurume. Même actuellement, le pillage continue. Il se fait même au grand jour et bénéficie publiquement des habits neufs de la Troisième République. Le cas du désormais richissime Moïse Katumbi Mwanke est d’école.
C’est en 2004 que les activités de cuivre et d'argent de la société australienne Anvil Mining Limited sont tombées sous les feux de l’actualité à la suite des massacres des populations et des crimes de guerre commis à Kilwa au Haut Katanga. Moïse Katumbi Chapwe se présente, alors, comme le défenseur de Anvil avec laquelle il a des relations commerciales pour l’exploitation minière. La complicité d’affaires amène Katumbi à financer une manifestation politique contre la société civile qui dénonce les massacres mais qui est accusée de décourager les investisseurs au Katanga. Cette affaire de Kilwa met en lumière le fait que le réseau d’élites, dénoncé par le Panel de l’ONU, a bel et bien survécu au pillage de guerre.
En 2005, Anvil Mining acquiert la mine de Kulu en partenariat avec la Gécamines à Kolwezi. L’australien a racheté les droits d’un précédent partenaire, la société portugaise Demourra. Mais une dispute surgit avec un autre acquéreur, l’indien Chemaf. Ils vont au tribunal. Moïse Katumbi Chapwe intervient pour arbitrer le litige. A ses côtés, officie le pasteur Ngoy Mulunda, le guide spirituel de Joseph Kabila. Les intérêts miniers et politiques sont désormais exhibés au grand jour. Plus tard, en 2006, Moïse Katumbi battra campagne pour Kabila. En retour, le pasteur Mulunda rapportera que Joseph Kabila avait endossé la candidature unique de Moïse Katumbi comme gouverneur de la province du Katanga. Des millions de dollars américains sont dépensés dans des actions de corruption tous azimuts et de démagogie à grande échelle. D’où est venu tout cet argent ?
Katumbi est avant tout le petit frère de Katebe Katoto, un véritable affairiste qui vit en Belgique et a été membre du RCD Goma. Katebe a soutenu Jean-Pierre Mbemba contrairement à son frère, qui a géré ses affaires. On ne connaît pas à Katumbi de véritable fortune personnelle justifiant les dépenses ostentatoires et soutenues pendant plusieurs mois de campagne électorale. On peut se demander à bon droit d’où provient l’argent de Moïse Katumbi. Dans un premier temps, Katumbi crée la société MCK ( Mining Company Katanga) dont le directeur général est Ignace Kitangu Mazemba, un ancien dirigeant de la Gécamines. Les bonnes relations au sein de la société et la bénédiction des autorités font que la nouvelle société obtient facilement trois importants gisements miniers de l’Etat à Kinsevere, Tshifufia et Nambulwa, dans le Nord Est de la ville de Lubumbashi. Ces mines ont une valeur marchande de plusieurs milliards de dollars. Mais le dossier suit le schéma de pillage désormais classique. Katumbi obtient tout gratuitement en ne payant rien de sa poche. Mais on lui accorde un partenariat de 20% pour la Gecamines et 80% pour MCK. Par la suite, la Gecamines concède à MCK un contrat d’amodiation (location) de 25 ans et elle est retirée du projet. MCK qui n’a aucun passé minier, peut désormais se présenter comme "opérateur minier dans l’exploitation des mines de cuivre et de cobalt".
Dans un deuxième temps, Moïse Katumbi revend 70% de l’exploitation à Anvil Mining. L’association MCK-Anvil est dénommée AMCK. Anvil paie à Katumbi $2,3 millions. De cette somme, 1 million devraient revenir à la Gécamines en 3 tranches : $800.000 à la ratification du contrat d’amodiation par le Gouvernement, $100.000 à la remise des gisements et $100.000 quatre mois après le début des opérations. Pendant le restant des 25 années de location, la Gécamines percevra des royalties de 1,75%, variant entre $35 et $70 par tonne de Cuivre. On retrouve les caractéristiques des contrats léonins. La Gécamines est minorisée à l’extrême. Elle passe tour à tour de 100% de la propriété des gisements à 20% du capital, pour finir avec une promesse de revenus de seulement 1,75%. De plus, la Gecamines ne touchera rien si le prix du cuivre dépasse les $4.000 la tonne. Et cela a été convenu au moment où la tonne de cuivre atteignait des sommets de $8000. Enfin, la Gecamines se contente d’un paiement de 1 million de dollars, alors que, proportionnellement, Anvil se paie $5,4 millions des avoirs du projet et que Katumbi obtient 1,3 millions de dollars. Ce montant finance la campagne pour les élections législatives de juillet 2006. Katumbi devient le recordman des voix récoltées par les députés nationaux.
Dans un troisième stade, Anvil rachète 10% à Katumbi. Le 31 juillet 2006, les parts de l’Australien passent de 70% à 80%. Katumbi reçoit la somme de $14 millions, répartis en $10 millions en cash et $4 millions en titres boursiers. On est au lendemain du premier scrutin. Ce pactole est injecté dans la campagne électorale pour le second tour des présidentielles et les élections provinciales. Les dépenses électorales prennent l’ascenseur. Katumbi arrose le Katanga, les Kivu, les Kasai et Kisangani. Il acquiert des immeubles et des engins miniers. Moïse est désormais le Messie, le Sauveur. Kabila gagne les présidentielles. A ce stade, les gisements de l’ Etat ont rapporté à Katumbi $15,3 millions, mais la Gécamines n’a encaissé que $1 million.
Le quatrième épisode a lieu en janvier 2007. Voici un mois que Kabila a prêté serment et annoncé la fin de la recréation. Moïse Katumbi s’offre des vols internationaux en jet privé. L’AMP lui réserve le gouvernorat du Katanga. Le 9 janvier, Anvil Mining annonce que les réserves minérales de la seule mine de Kinsevere sont augmentées de 450% et que la mine totalise désormais 1,6 millions de tonnes de cuivre exploitables. Ces réserves sont immédiatement comptabilisées comme augmentation de la valeur de AMCK. Le lendemain, Anvil acquiert 15% des parts de Katumbi, et l’Australien passe désormais à 95% dans le projet AMCK. Les 15% sont payées à Katumbi pour $45 millions (dont 36 millions en cash et 9 millions en titres boursiers). En quelques mois, Moïse Katumbi a gagné $61,3 millions. La Gécamines et l’Etat propriétaire des gisements n’ont eu droit d'encaisser que $ 1 million.
Toutes ces informations proviennent de communiqués boursiers. On ne peut pas dire que les parrains politiques de Moïse Katumbi Chapwe, qui les a si bien servis, ne sont pas au courant. Il reste que des gens qui arrangent un détournement du patrimoine de l’Etat pour organiser leur accession au pouvoir ont bel et bien bénéficié de financements de campagne au moyen de biens de l’Etat.