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RD Congo : Où est passé le Président Kabila ?

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RD Congo : Où est passé le Président Kabila ?
(AgoraVox 30/08/2013 - 06:34)


Des obus tombent sur la ville et tuent des civils congolais. Le pays est 
attaqué. La population ramasse les corps des victimes et s’active pour 
secourir les blessés. L’armée nationale tente de contenir l’avancée des 
agresseurs. Des soldats blessés arrivent de la ligne de front et affluent 
dans les hôpitaux. Des civils blessés dans la ville par les éclats d’obus 
affluent également. Les familles sont affolées, les magasins ferment, la 
vie économique est paralysée. La patrie est en danger ! Le Rwanda et l’Ouganda 
veulent mettre le Congo à genou et obliger ses dirigeants à se soumettre 
aux humiliantes négociations de Kampala en vue de la balkanisation du 
pays. La population est hostile à ces négociations quel que soit le prix à 
payer. On s’attend à une vigoureuse réaction nationale, le Président de la 
République en première ligne. Un Président s’occupe de son peuple !

C’est le moment où le Chef de l’Etat se révèle en commandant en chef 
menant son peuple à la victoire sur l’ennemi. Finies les tâches 
administratives à la présidence et les protocoles diplomatiques. Le 
Président revêt les habits du commandant suprême des Forces armées 
(article 83 de la Constitution de la République Démocratique du Congo). Le 
Président doit passer à la télé et adresser un message solennel à la 
nation. Le peuple, angoissé, doit revoir son Président le plus souvent 
possible pour être rassuré sur l’Etat de la nation et le déroulement des 
opérations militaires. Le gouvernement met tout en œuvre pour renseigner 
les familles sur la situation des « compatriotes » vivant dans la région 
affectée par le conflit.

On doit revoir le Président parcourant les villes et les provinces pour 
mobiliser la nation. Ses ministres sont sur le terrain pour rassurer la 
population et coordonner l’effort de guerre et les dons en signe de 
solidarité pour les « compatriotes » affectés par le conflit. C’est le 
moment par excellence où la nation se galvanise et brille d’imagination en 
matière de solidarité et de passion nationale, réveillée par le Premier 
citoyen du pays, le Président de la République.

On donne du sang pour les hôpitaux accueillant les victimes. Le Président 
parcoure les allées des hôpitaux pour réconforter les blessés. Il reçoit 
les familles des victimes et promet l’enfer à ceux qui ont osé toucher à 
« son pays » et à « son peuple ».

Il se dirige vers la ligne de front, rassemble les soldats et booste le 
moral des troupes. Il a enfilé le treillis militaire des officiers avec 
son nom marqué dessus en gras. Il déjeune dans les camps avec ses soldats 
et rassure les plus jeunes d’entre eux. « Vous êtes les héros du Congo. Le 
peuple vous soutient à 100 % ».

Le peuple est rassuré. Les soldats ont le moral haut. L’ennemi n’a qu’à 
bien se tenir.


Un peuple seul, avec ses soldats

On est là dans un pays, disons… à peu près normal. En République 
Démocratique du Congo, il ne se passe rien de tout cela. Le Président n’a 
pas dit un mot sur les attaques aux obus contre la population de Goma. Il 
n’y a aucune mobilisation nationale pour les « victimes congolaises » de 
Goma. Les blessés sont soignés grâce à l’aide des organisations 
humanitaires étrangères. Les dons de sang, l’effort de guerre,… rien.

A Kinshasa, le Président et « ses politiciens » papotent. Ils parlent des 
concertations nationales et concoctent un prochain gouvernement dans 
lequel « tous » rêvent de faire fortune.

Sur le front, la population du Nord-Kivu découvre, pour la première fois, 
des soldats congolais exceptionnels. Sous le commandement d’un certain 
colonel Mamadou Ndala, on découvre des soldats congolais disciplinés, 
combattifs, qui ne pillent pas et ne violent pas. Le moment clé pour 
déclencher le mouvement patriotique d’une nation soudée derrière ses 
soldats. On a rarement vu des soldats pareils au Congo. Mais tout le monde 
commence à s’inquiéter sur leur sort. Parce qu’ils sont juste laissés là 
et ne reçoivent pas les ordres pour aller chasser l’ennemi. Les 
combattants rwandais en profitent et sont en train de reprendre du poil de 
la bête[1].

Le Président n’a pas mis le pied dans la province, pourtant stratégique, 
du Nord-Kivu depuis avril 2012. Une éternité pour un peuple et une armée 
en guerre. Le Président Bush effectua plusieurs visites en Irak et en 
Afghanistan. Il en va du moral des troupes. Barack Obama visita l’Afghanistan 
avant même d’être élu Président. On l’a vu jouer au basket et déjeuner 
avec les soldats pour les rassurer. Le Président Hollande s’est dépêché au 
Mali aussi vite qu’il a pu pour remonter le moral des soldats français.

Au Congo, rien… La population locale et peut-être même les soldats engagés 
en première ligne ne se font plus d’illusion. Le Président n’est pas là. 
Aux côtés des blessés dans les hôpitaux ou des familles des victimes ? Non 
plus. Le pays est en guerre mais le Président est absent de là où il 
devrait se trouver.

Alors, à Goma, on manifeste dans les rues en transportant les corps des 
victimes. Les Congolais ne manifestent pas contre le ministre de l’intérieur 
et le ministre de la défense qui n’auraient pas pris les mesures qui s’imposaient 
pour prévenir les bombardements du M23. C’est quoi déjà le nom du ministre 
congolais de la défense ?...


Le peuple de l’ONU

Les Congolais ne manifestent pas non plus contre leur Président. Il n’est 
pas là. Plus grave, ils ne manifestent même pas contre l’Etat congolais. 
Ils manifestent contre l’ONU. On n’a jamais vu ça.

Un peuple manifeste contre l’Organisation des nations Unies, parce que les 
casques bleus de l’ONU ne l’auraient pas assez protégé. Le peuple 
congolais devient probablement le premier peuple à effectuer son entrée, 
sans formalité, dans le monde de la « gouvernance mondiale ».

Certains théoriciens avaient annoncé que les Etats disparaîtraient un jour 
au profit d’une seule autorité mondiale exerçant des pouvoirs régaliens 
sur l’ensemble des peuples de la planète. Les Congolais sont peut-être en 
avance sur le temps.

Alors les casques bleus « uruguayens » tirent dans le tas pour repousser 
les manifestants. C’est l’indignation dans la ville. Pas contre les 
autorités congolaises qui auraient déjà dû interpeler ces « Uruguayens » 
qui tuent des Congolais dans leur propre pays. Les soldats uruguayens en 
profitent pour nier toute responsabilité dans la mort des deux 
manifestants. Où sont les autorités de l’Etat congolais pour donner à leur 
population la version exacte de l’incident ? Nulle part. José Mujica, le 
Président uruguayen, en profite pour accuser, sans enquête ni preuve, la 
police congolaise. Le gouvernement congolais ne publie aucun démenti et 
laisse l’image de sa police nationale se faire salir par un dirigeant 
étranger.

Une fois de plus, les Congolais reprennent leur chemin de croix, seuls. 
Ils redescendent dans la rue pour manifester, non pas contre « leur » Etat 
en école buissonnière, mais contre le seul Etat qui leur reste, l’ONU.


Trop demander à l’ONU

Une mise au point devient nécessaire. Le Représentant de l’ONU au Congo, l’Allemand 
Matin Kobler, est obligé de faire ce qu’il ne croyait jamais devoir faire. 
Assumer les fonctions du Chef d’un Etat disparu.

Il doit rassurer la population en promettant que l’ennemi, même s’il a 
réussi à bombarder Goma, ne mettra jamais le pied dans la ville. Martin 
Kobler doit également monter au front pour remonter le moral des soldats 
congolais et des casques bleus engagés dans les combats contre le M23. Il 
revient à Goma et visite les hôpitaux où sont soignés les blessés. Des 
civils, des soldats congolais et les trois casques bleus.

Ouf ! Le peuple congolais tient enfin son Président venu tout droit d’Allemagne. 
Lui au moins se tient aux côté de la population en détresse et remonte le 
moral des troupes. Il visite les hôpitaux et s’assure que les blessés sont 
soignés.

Mais, hélas ! Martin Kobler ne peut pas être le Président de ce peuple-là
abandonné dans la savane africaine. Il n’est qu’un fonctionnaire de l’ONU
Il aime bien les Congolais, mais il ne peut pas être leur président. Il 
est obligé de leur dire la vérité tout de suite pour éviter de laisser 
prospérer des espoirs insensés.

La Mission des nations-Unies au Congo n’est pas venue s’occuper de tous 
les problèmes du Congo. La Monusco a pour mission d’appuyer l’Etat 
congolais dans ses missions de sécurisation du pays. « Appuyer », et que 
les choses soient claires. Autrement dit, s’il n’y a plus d’Etat congolais 
à « appuyer », les Onusiens restent les bras croisés, comme en novembre 
2012. L’armée nationale avait abandonné la ville. Les autorités civiles 
aussi (gouverneur, maire,…). Il n’y avait donc plus d’Etat à appuyer. Le 
M23 s’installa dans la ville sous la barbe des casques bleus qui, 
naturellement, n’ont pas vocation à se substituer à l’Etat. A qui la faute 
?

Tout ceci renvoie à la responsabilité des faiseurs des rois pour l’Afrique
tapis quelque part dans les salons huppés en Europe[2] et en Amérique. La 
prochaine fois que des personnalités comme Louis Michel[3] ou Javier 
Solana[4] envisageront de redistribuer les cartes en Afrique centrale et 
dans la région des Grands-Lacs, il faudra quand même se montrer un peu 
plus exigeant. Le Congo est trop important pour être délaissé dans un vide 
d’Etat aussi ahurissant.

Le pays a besoin d’un Président, un Président présent, un Président qui 
fait face aux défis et se tient fermement aux côtés de sa population, 
surtout en des moments difficiles. Qu’il puisse être, par ailleurs, un ami 
de la Belgique et des affairistes occidentaux[5], pourquoi pas. Mais un 
Président présent avant tout. Juste ce qu’il faut pour épargner à l’ONU 
des critiques souvent injustifiées.

On demande trop à la Mission de l’ONU au Congo et au « pauvre » Martin 
Kobler. Ce n’est pas lui le Président du Congo.

Mais où est donc passé le « Président » Kabila ?

Boniface MUSAVULI 


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