-]ASADHO
B.P.16737
KINSHASA 1
R.D. Congo
Association Africaine de Défense des Droits de l’Homme
African Association for the Defense of Human Rights
Kinshasa, le 07 Janvier 2014
Transmis copie pour information à :
- Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale ;
- Monsieur le Président du Senat ;
- Monsieur le Premier Ministre ;
- Monsieur le Ministre Délégué aux Finances ;
- Madame la Ministre de la Justice et des Droits Humains,
- Monsieur le Ministre des Medias ;
- Monsieur le Procureur Général de la République ;
- Monsieur le Directeur Général de la DGDA
- Monsieur le Coordonnateur National de l’ITIE
Tous à Kinshasa.
A Son excellence Monsieur Joseph KABILA Président de la République Démocratique du Congo
à KINSHASA
Concerne : Lutte contre l’impunité
Monsieur le Président de la République ;
Au nom de l’Association Africaine de Défense des Droits de l’Homme, ASADHO en sigle, nous vous adressons la présente pour vous faire part de nos préoccupations au sujet des actes que certains congolais posent sans qu’ils ne soient inquiétés ni par les autorités judiciaires ni politiques de notre pays.
Il n’est pas superflu d’indiquer que lesdits actes sont de nature à compromettre les efforts que le Gouvernement fait pour promouvoir la transparence et la bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques. Ils privent aussi le Gouvernement des moyens dont il a besoin pour assurer la modernisation de notre pays.
Monsieur le Président de la République,
Nous nous devons de rappeler que depuis votre avènement à la tête de notre pays en 2001,le Gouvernement actuel est le seul qui semble nous convaincre de sa volonté de changer les paramètres négatifs (corruption, pauvreté, inflation, pillage des ressources naturelles, mauvaise gouvernance, mauvais climat des affaires) qui ont caractérisé la gestion de notre pays depuis plusieurs années. Nous ne disons pas que le Premier Ministre MATATA soit saint (nous avons aussi quelques reproches à lui faire), mais il a la volonté d’impulser des changements en dépit des courants politiques, sociaux et économiques opposés à sa manière de travailler.
Malgré ces efforts visibles, certains congolais compromettent le travail du Gouvernement en détournant les fonds publics ou en posant impunément des actes contraires aux programmes et politiques nationaux.
L’inaction des autorités judiciaires et ou politiques à leur égard ne peut que nous faire croire que ces congolais bénéficient de la protection des hautes autorités de notre pays.
C’est pour cette raison que nous nous adressons à vous pour que, par votre intervention personnelle, des sanctions administratives et ou judiciaires soient prises, conformément aux lois, contre ces personnes dont les actes compromettent l’avenir de toute la nation.
Pour ce faire, nous reprenons ici quelques cas parmi les plus récents :
- Actions contre la transparence des Industries Extractives menées par la Gécamines :
La République Démocratique du Congo s’est engagée à mettre en œuvre l’Initiative de Transparence des Industries Extractives (ITIE) en demandant à toutes les industries extractives privées et ou publiques dont la Générale des Carrières et des Mines (GCM) à publier tous les revenus qu’elles paient à l’Etat ou qu’elles reçoivent au nom de l’Etat.
Alors que le Gouvernement et les parties prenantes engagés dans ce processus multiplient les efforts pour répondre aux mesures correctives exigées de notre pays par le Conseil d’administration International de l’ITIE pour que sa suspension de l’ITIE soit levée, il nous revient que la Gécamines, propriété de l’Etat Congolais, a créé une filiale en propriété exclusive basée à l’Ile Maurice qu’elle charge de gérer toutes ses participations dans les JV qu’elle a créés avec ses multiples partenaires. L’Ile Maurice étant un paradis fiscal, la conséquence est que les fonds générés par ces partenariats seront gérés par cette filiale dans une opacité totale.
A ce sujet, Monsieur KALEJ NKAND écrivait aux responsables des entreprises qui sont en partenariat avec la Gécamines ce qui suit « Messieurs, Gécamines restructure actuellement ses opérations et va transférer, dans le cadre de sa nouvelle stratégie de financement, la totalité de ses participations minoritaires dans des JV à une filiale en propriété exclusive basée à l’Ile Maurice...»
Il se dégage de la création de cette filiale dans un pays opaque que les revenus générés par ces participations de la Gécamines ne seront pas déclarés à l’ITIE, car perçus et générés dans un pays tiers. Ce qui montre la volonté de cette société de faire échapper une partie de ses revenus au contrôle des citoyens que nous sommes.
Face à cette situation, nous ne comprenons pas comment et pourquoi une entreprise détenue majoritairement par l’Etat congolais peut prendre des initiatives contraires aux politiques et programmes du Gouvernement relativement à la transparence des industries extractives et à la bonne gouvernance. Pourquoi le Gouvernement n’a-t-il pas pris les mesures nécessaires pour empêcher la Gécamines d’agir de cette façon ? Pourquoi toutes les autorités de notre pays se taisent devant une situation pareille ?
A ce jour, nous n’avons aucune réponse à toutes ces questions.
Pourrions nous rappeler que cette situation a été déjà dénoncée, au mois d’octobre 2013, par les organisations de la Société civile congolaise : Coalition Publiez Ce Que Vous Payez( PCQVP/RDC), Ligue Congolaise de Lutte contre la Corruption (LICOCO) et la Plate forme des Organisations de la Société civile intervenant dans le Secteur Minier ( POM) mais aucune sanction n’a été prise contre les gestionnaires de la Gécamines qui ont procédé à ces actes qui jettent un doute sur les efforts que le Gouvernement déploie pour renforcer la transparence des industries extractives dans notre pays.
- Le Coulage des recettes publiques à la DGDA/Katanga.
Monsieur le Président de la République,
Par sa lette n° M MRP/NC/LMO/514/MIN/2013 du 22 mai 2013, Monsieur le Ministre des Medias, chargé des Relations avec le Parlement et de l’initiation à la nouvelle citoyenneté, Monsieur Lambert MENDE avait transmis plusieurs dossiers de cas de corruption, concussion et fraude à la DGDA/Katanga, à son collègue en charge de la Justice et des Droits Humains. Il lui priait par la même occasion de saisir les services compétents et capables d’éradiquer ces pratiques qui minent cette agence financière de l’Etat.
Faisant suite à cette lettre, la Ministre de la Justice et des Droits Humains, par sa lettre n°1692/LW/597/AK/CAB/MIN/JDH/2013 du 27 juin 2013 adressée à Monsieur le Procureur Général de la République, lui transmettait les dossiers relatifs aux actes de corruption, concussion et fraude à la DGDA/Katanga pour enquête et disposition à prendre.
La mission mise en place et couverte par la réquisition d’information n°4379/D.025/PGR/NYS/2013 du 22 aout 2013 chargée d’investiguer sur les présomptions de détournement des deniers publics, de corruption, de concussion, de faux et usage de faux, de fraude, de contrebande mises à charges des fonctionnaires de la DGDA/Katanga s’était rendu au Katanga le 29 septembre 2013.
Contre toute attente, certaines personnes (physiques et morales) mises en cause dans lesdits dossiers ont écrit aux autorités provinciales et nationales pour dénoncer cette mission et l’empêcher de réaliser les investigations pour laquelle elle a été envoyée à Lubumbashi. Ce qu’elles ont obtenu par ce que la mission a été rappelée à Kinshasa.
Monsieur le Président de la République,
Le rapport rendu public par le Parquet Général de la République, au mois de novembre 2013, en relation avec ces dossiers, montre que sur 279 dossiers contentieux lui soumis, la mission en a examiné seulement 25 compte tenu du fait qu’elle n’a pas eu le temps suffisant pour examiner 274 restants.
Les 25 dossiers qui ont fait l’objet de discussions entre la mission, les fonctionnaires de la DGDA/Katanga et les personnes physiques ou morales mises en cause ont permis de dégager la somme de USD 741.025.015(Dollars Américains sept cent quarante et un million vingt cinq mille quinze cents) que les redevables ont accepté de payer au trésor public.
Les 274 dossiers non encore examinés dégagent la somme de USD 2.964.080,060(Dollars Américains deux milliard neuf cent soixante quatre million quatre vingt mille soixante cents)à récupérer auprès d’autres redevables personnes physiques et ou morales.
La mission relève que ces 274 dossiers n’ont pas été examinés par ce qu’elle a été, contre toute attente, rappelé à Kinshasa (Page 9 du rapport).
Elle constate que de 2008 à 2013, certains agents de la DGDA/Katanga en complicité avec certains operateurs économiques ont fait échapper au trésor public la somme de USD 3.705.105,075 (Dollars Américains trois milliards sept et cinq million cent et cinq mille septante cinq cents).
Monsieur le Président de la République,
Comme vous pouvez le constater avec nous, la somme d’argent détournée par ces congolais correspond à la moitié du montant global de notre budget national. Ils s’approprient indument les recettes publiques nécessaires à la mise en œuvre des politiques et programmes dont tous les congolais peuvent être bénéficiaires.
Au regard de ce qui précède, si vous décidez d’étendre ce genre d’enquêtes à toutes les agences financières de l’Etat et sur l’ensemble du pays, il ne fait aucun doute que les conclusions vont être accablantes pour beaucoup de fonctionnaires et les opérateurs économiques installés dans notre pays.
Il apparait clairement qu’avec un peu de rigueur, l’Etat peut disposer des moyens nécessaires pouvant lui permettre de se dispenser de l’assistance financière internationale ou d’y recourir que dans les moindres proportions.
Monsieur le Président de la République,
La lecture du rapport de mission du Parquet Général de la République permet de dégager les conclusions suivantes :
- Certains agents de la DGDA/Katanga en complicité avec certains opérateurs économiques ont détourné des sommes importantes au détriment du Trésor public ;
- La mission chargée d’enquête sur les actes de corruption, de fraude, contrebande.. a été rappelée à Kinshasa à la demande des opérateurs économiques du Katanga dont certains sont mis en cause dans les dossiers soumis à cette mission ;
- Certains opérateurs économiques entendu par la mission ont accepté de procéder au paiement des sommes d’argent dues au Trésor Public, mais aucune mesure n’a été prise pour les aider à y procéder ;
- Aucune mesure n’a été prise pour que la mission poursuive son travail et rende compte de l’ampleur de ces fléaux qui privent le pays de ressources financières dont il a énormément besoin ;
- Aucune mesure n’a été prise pour sanctionner les fonctionnaires et les opérateurs économiques impliqués dans cette affaire ;
- Aucune sanction n’a été prise contre les autorités qui ont rappelé la mission à Kinshasa ;
- Les fonctionnaires et les opérateurs économiques impliqués dans cette affaire bénéficieraient de la protection des hautes autorités provinciales et ou nationales. Ce qui fait que personne ne peut les inquiéter.
Monsieur le Président de la République,
Face à l’inaction de tous contre les fonctionnaires et les opérateurs économiques qui privent le Gouvernement des moyens nécessaires à la modernisation du pays, notre organisation sollicite votre intervention personnelle pour que la mission qui était en charge de ce dossier rentre au Katanga pour poursuivre ses investigations, qu’elle établisse les responsabilités pour que les fonctionnaires et les opérateurs impliqués dans ce vaste pillage des recettes de l’Etat soient sanctionnés.
Ainsi, Monsieur le Président de la République, votre intervention contribuera énormément à lutter contre l’impunité dont sont bénéficiaires certains fonctionnaires de l’Etat et opérateurs économiques.
Il y a lieu aussi de se pencher sur le cas de la Gécamines qui constitue aussi un véritable frein à la mise en œuvre effective de la transparence dans notre pays.
Par cette lettre, nous pensons avoir contribué à la lutte contre la corruption qui constitue un des piliers de vos différentes adresses à notre nation.
Tout en vous remerciant pour l’attention particulière que vous accorderez à la présente, nous vous prions, Monsieur le Président de la République, de croire en l’expression de nos sentiments de grande considération.
Pour l’ASADHO
Me Jean Claude KATENDE
Président National