J’ai lu avant-hier sur la toile un article de M. Mastaki Bayange s’adressant « aux dirigeants lumumbistes » en rapport avec les commentaires suscités par la tournée de M. Vital Kamerhe à l’intérieur du pays à la tête « d’une caravane de la paix ». Au moment où j’ai décidé de répondre à cet article, je ne l’ai plus retrouvé. Cela n’empêche.
N’étant pas à la tête ni au sein de la direction d’une quelconque organisation lumumbiste, je pense ne pas répondre au critère de « dirigeant ». A mon entrée (précoce) dans l’arène politique en 1959, je n’étais pas lumumbiste, comme d’ailleurs la majorité des membres du Comité Directeur du Cerea dont je fis partie. J’étais plutôt sympathisant de Kasavubu, en raison de mes origines tribales. Je suis devenu lumumbiste en 1960 à Kinshasa, où j’avais travaillé aux côtés de mon mentor Anicet Kashamura, Ministre de l’Information du Gouvernement Lumumba. Je suis depuis lors devenu lumumbiste et le demeure jusqu’à ce jour, et probablement jusqu’à la fin de mes jours. J’avais réuni un colloque en 2011 à Charleroi sur « Les fondements idéologiques du lumumbisme » et je viens de signer un petit ouvrage intitulé «L’idéologie du lumumbisme » paru chez L’Harmattan.
Je me suis interrogé pendant deux jours sur la conduite à tenir et ma conclusion est que mon absence de réaction –pour une personne ayant quand même une certaine notoriété comme lumumbiste- aurait pu engendrer des interprétations erronées.
Ceci posé, c’est une occasion de plus pour moi de déplorer la confusion régnant dans la tête des élites congolaises dans notre majorité. Le projet de balkanisation de la RDC est plus que jamais d’actualité, même après la victoire militaire contre les troupes d’agression ayant opéré sous l’étiquette du M23. La récente déclaration du représentant des Etats-Unis dans les Grands lacs ne laisse aucune ambiguïté à ce sujet. Il sied de rappeler, par ailleurs, que notre pays est pratiquement sous tutelle depuis la présence de la Monusco.
Il serait donc logique que l’impératif de maintenir l’intégrité et l’indépendance de notre pays soit pour les élites, celles du Kivu en particulier, l’enjeu principal dans les circonstances actuelles. Sous ce rapport, les patriotes devraient, peut être en sacrifiant un peu de leur amour propre, mobiliser autour de cet objectif. En quoi faisant ? En mettant sous le boisseau les critiques, même légitimes, pour privilégier l’union sacrée de la nation autour du Chef de l’Etat. En effet, la victoire militaire retentissante contre les forces d’agression l’année dernière est la preuve que sur le plan de la défense de la Nation, la politique suivie par le Président donne des résultats.
J’ai entendu de mes oreilles de la bouche de deux universitaires tutsi rwandais dans le train Ottignies-Bruxelles, dire que Kabila avait vaincu Kagame et Museveni. Ces messieurs n’avaient pu imaginer que je pouvais comprendre leur langue, m’ayant pris pour un camerounais car j’avais échangé avec des étudiants camerounais avant qu’ils ne descendent du train. A partir de la victoire militaire des Fardc, le Congo a fait la démonstration de sa capacité à se défendre, pour peu que ses élites le veuillent. Je parle volontiers plus d’élites que des dirigeants, car il s’agit de désigner tous ceux qui sont susceptibles d’influencer notre pensée collective. Depuis cette victoire, en Europe on a tendance à nous regarder avec moins de mépris.
Car, en effet, toutes les expériences au monde où des forces extérieures agissent pour nuire aux intérêts d’un Etat faible, démontrent que seule la forte résistance des victimes est en mesure de mettre en échec ces menées de déstabilisation, de balkanisation, d’exploitation ou de domination. Une nation unie, décidée à défendre par la lutte ses intérêts, finit toujours par vaincre.
Il ne me paraît pas qu’agir autrement serait une attitude de responsabilité, et encore moins de patriotisme. Au demeurant, j’ai toujours eu du mal à comprendre l’idée de maintes élites congolaises soit disant militant pour la paix. A ma connaissance, le Congo n’a jamais attaqué aucun de ses voisins, ni exprimé la moindre intention d’empiéter sur leur souveraineté. J’aurais compris que des dirigeants congolais aillent faire campagne dans les pays agresseurs pour les exhorter à la paix. Mais aller prêcher la paix à la victime, à celui qui n’a agressé personne, est une démarche porteuse de confusion. Le seul message qu’on devrait apporter aux victimes de l’agression est celui de la résistance, de la résistance, et encore de la résistance, en pesant au message de Winston Churchill aux Anglais au moment où Hitler menaçait d’envahir l’Angleterre. La paix ne sera obtenue qu’au prix d’énormes sacrifices, car il est bien entendu que ceux qui lorgnent sur la RDC ne nous laisseront pas facilement tranquilles, en particulier ceux qui pensent que nous ne méritons pas ce pays qui peut devenir un véritable paradis sur terre pour peu que nous élites congolaises accédions à la conscience historique.
Je viens de voir un article dans lequel il est souligné que c’est le lobby naguère conduit par Katumba Mwanke qui avait réussi à défenestrer l’ancien Président de l’Assemblée nationale. Katumba Mwanke ainsi que certains membres influents de ce lobby ne sont plus de ce monde ; d’autres se sont disqualifiés et sont même devenus des pourfendeurs du Chef de l’Etat. Cette situation aurait pu permettre à M. Kamerhe de se rapprocher du Chef de l’Etat, même en s’humiliant, étant donné que l’intérêt supérieur, voire l’intérêt suprême du pays commande de nous unir pour défendre le Congo.
Vital Kamerhe, en tant que ressortissant du Kivu, serait une victime de la première ligne, dans l’hypothèse de la balkanisation. S’il y a ceux qui pourraient encore plus souffrir de cette balkanisation, ce sont bien sûr les Kivutiens. Ce n’est pas un hasard si les populations locales acceptent de payer un lourd tribut à la résistance.
Albert Kisonga Mazakala