Kinshasa, 12/03/2014 / Politique
Il se prépare dans les milieux de la Majorité présidentielle une rencontre à Kingakati autour du chef de l’Etat. Des observateurs avertis y perçoivent un signe annonciateur des changements attendus.

L’histoire renseigne, en effet que, chaque fois que la Majorité présidentielle a été convoquée à Kingakati, ce n’est pas pour parler des broutilles. C’est dans cette ferme devenue historique que Joseph Kabila a battu le rappel des troupes chaque fois que les enjeux de l’heure exigeaient plus de cohésion et de la discipline dans les rangs.
Les habitués de ce lieu savent que bien de médiations pour régler des conflits internes ont été menées à Kingakati. Des décisions importantes qui ont changé le paysage politique ont été concoctées en ce lieu paisible. C’est là que l’Alliance de la Majorité Présidentielle (AMP) se métamorphosa en l’actuelle Majorité présidentielle en prélude des échéances de 2011. Bref, la rencontre de ce dimanche 16 mars 2014 est perçue par bon nombre d’observateurs comme le présage d’un réajustement politique, d’une bourrasque qui risque d’emporter même ceux qui s’y attendaient le moins.
Tocsin pour Matata
Le rendez-vous de Kingakati est convoqué au moment où l’opinion attend la formation du gouvernement de cohésion nationale. Voilà des mois depuis que ce gouvernement a été annoncé. Et rien jusque-là. Il est évident que, comme il en a l’habitude, Joseph Kabila a donné le temps au temps. Il a observé les hommes, le point fort de chacun pour décider sur la personne à qui il confiera la direction de ce gouvernement, sans doute celui qui va nous amener à l’échéance de 2016.
Pour paraphraser un confrère dont les analyses ont souvent portées, « le pouvoir est un exercice périlleux qui ne comporte qu’un seul tir. Lorsqu’il est parti, il ne vous reste rien dans le canon ». L’erreur n’est pas permise et risque de tout chambouler.
Après avoir pris tout son temps pour agir en âme et conscience, sans pression aucune, le temps est-il venu pour le Président de la République d’annoncer le nom de la personnalité sur qui est tombé son choix ? L’avenir nous le dira. Toujours est-il que pour bien d’observateurs politiques, la rencontre de Kingakati pourrait sonner le tocsin pour Matata Ponyo, l’actuelle Premier ministre.
Si le président de la République voulait le maintenir à son poste, il n’aurait pas eu besoin de prendre tout le temps qu’il a pris, étant donné qu’il connaît l’homme, ses points forts et sa faiblesse, fait-t-on remarquer dans certains salons politiques de Kinshasa où la succession de Matata est devenu le sujet quotidien.
A propos de la complicité qui existerait entre le Président de la République et son Premier ministre, des analystes rétorquent qu’en politique, il n’y a pas d’état d’âme, ce qui compte ce sont les intérêts.
L’objectif de la prochaine équipe gouvernementale étant, notamment, la cohésion nationale, Matata Ponyo a-t-il le profil de rassembleur, se demandent certains observateurs. Comment pourra-t-il fédérer les différentes sensibilités politiques au service de la nation, s’il n’arrive pas à réunir l’unanimité au sein de sa propre famille politique ? Déjà, au sein du gouvernement qu’il dirige, on observe des fissures et pas des moindres.
Matata Ponyo n’est pas sûr personnellement qu’il est parti pour rempiler. Les rapports tendus qui viennent de surgir entre lui et son Vice-ministre et ministre du Budget, Daniel Mukoko Samba, sont un premier signe qui en dit long.
Le courant ne passe pas non plus avec le ministre en charge des Affaires étrangères que certains médias citent comme un prétendant sérieux au poste de Premier ministre. Depuis, Matata lui mène la vie dure au point que Raymond Tshibanda, rapporte des sources fiables, ne fait plus signer ses ordres de mission à la Primature.
L’actuel Premier ministre est présenté dans certaines colonnes de journaux comme le dauphin. Dans les traditions africaines, il est immoral de parler de la succession du chef pendant qu’il règne encore. Si dauphin, il y a pourquoi ne pas attendre l’année 2016 ? Des personnalités qu’on a souvent présentées comme des dauphins n’ont jamais accédé aux commandes. L’ancien Premier ministre, Nguz- a-Karl-I-bond, paix à son âme, en savait quelque chose. Plus près de nous Vital Kamerhe en sait aussi pour son compte.
Tout montre que l’heure n’est plus indiquée aux supputations oiseuses. A Kingakati, cette fois, le chef de l’Etat paraît prêt à déclencher le tonnerre, n’en déplaisent à ceux qui l’accusent d’être très muet sur ses intentions. En politique, le temps de la parole ne se calcule pas à l’aveuglette.
Théodore Ngangu/MMC