Afrikarabia, 22 avril 2014
Par Christophe RIGAUD
Les Nations unies tirent la sonnette d’alarme sur la situation humanitaire au Katanga. La province pourrait atteindre le million de déplacés fin 2014, alors que les violences se poursuivent.
Sur la route de Likasi au Katanga © Ch. Rigaud
Le Katanga est-il en train de devenir un nouveau Kivu?
Alors que la situation sécuritaire se calme au Nord-Kivu depuis la reddition des rebelles du M23 en novembre 2013, la riche province du Katanga continue de s’enliser dans l’instabilité. Une note du bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) dénonce les attaques répétées des groupes armés sur les populations civiles et s’inquiète du nombre croissant de réfugiés, sans structure adaptée dans la région pour les accueillir. Entre décembre 2011 et avril 2014, les déplacés à l’intérieur du Katanga sont passés de 50.000 à 500.000.
« Pas une semaine sans attaque Maï-Maï »
Au banc des accusés : les différents groupes d’autodéfense Maï-Maï qui pillent et attaquent les villages. Selon OCHA, « du 1er janvier et 31 mars, plus de 35 attaques de Maï-Maï ont été rapportées dans les territoires de Manono, Mitwaba et Pweto, le fameux « triangle de la mort » situé au Nord du Katanga. Les conséquences sont lourdes pour les civils : 1 500 habitations ont été incendiées dont 875 dans le Territoire de Pweto. Une situation aggravée par le fait qu’il n’y a pas de camp de déplacés au Katanga. D’après l’ONU, « 86% des déplacés se trouvent dans des familles d’accueil (souvent démunies) et 14% des autres se trouvent dans les sites « spontanés » de Kalemie, Manono, Moba et Pweto« . Résultat : 80% des ménages de déplacés souffrent d’insécurité alimentaire. Avec des conditions sanitaires extrêmement précaires, le choléra, la rougeole et le paludisme font des ravages.
« Une forte mobilisation doit se mettre en place »
Dans ce contexte de forte instabilité, le bureau de l’OCHA en République démocratique du Congo se demande ce qui pourrait empêcher le Katanga t’atteindre le million de déplacés d’ici la fin 2014 si rien n’est fait ? « Une forte mobilisation nationale et internationale doit se mettre en place » explique l’OCHA, qui demande « une implication accrue de l’Etat congolais, plus d’effort de la part des acteurs humanitaires présents, un plaidoyer afin que d’autres agences viennent s’implanter, sans oublier plus de fonds humanitaires.
Le Katanga toujours rebelle
Au coeur de l’insécurité katangaise : le bras de fer qui oppose sécessionnistes et fédéralistes au pouvoir central de Kinshasa. Au premier rang des fauteurs de trouble, on trouve les miliciens sécessionnistes Bakata Katanga. En mars 2013, ce groupe avait brièvement investi le centre-ville de Lubumbashi au nez et à la barbe des forces de sécurité congolaises. Depuis, les Bakata Katanga sont les auteurs de dizaines d’attaques violentes dans la province. Incendies, viols, expéditions punitives… les victimes se comptent elles aussi par dizaines.
Derrière ce mouvement Maï-Maï extrêmement violent, certains croient voir se cacher plusieurs hommes politiques et hommes d’affaires katangais. On cite le plus souvent John Numbi, l’ancien numéro 1 de la police congolaise, tombé en disgrâce depuis le meurtre d’un militant des droits de l’homme, et que l’on accuse de manipuler et de soutenir les Bakata Katanga.
Evidemment, aucune preuve n’a encore été apportée à ces accusations, que le principal intéressé réfute en bloc. On trouve ensuite un second « baron katangais » : le très remuant Gabriel Kyungu wa Kumwanza, président de l’Assemblée provinciale du Katanga. Ce partisan du fédéralisme est avant tout le chantre d’un « Katanga fort », qu’il ne souhaite pas voir morcelé comme le prévoit la loi de décentralisation de Kinshasa. Kyungu est à la tête de l’Union des fédéralistes du Congo (Unafec), un parti, membre de la majorité présidentielle, mais très résolu à garder un « Katanga uni» … quitte à jouer les gros bras avec les forces de sécurité congolaises de Joseph Kabila. Le week-end dernier, des affrontements entre la Jeunesse de l’Union des fédéralistes du Congo (Junafec) et l’armée ont fait trois morts et plusieurs blessés à Likasi, au Nord de Lubumbashi.
Que fait la Monusco ?
Où s’arrêtera la spirale de la violence au Katanga ? En février 2014, la Monusco, la mission de l’ONU en RDC, avait décidé de renforcer sa présence au Katanga, notamment à Pweto, dans le « triangle de la mort» . « La neutralisation des Bakata Katanga » était un des objectifs affichés par les casques bleus. Depuis, peu de résultat sur le terrain.
Pire, début avril, Monseigneur Fulgence Muteba, évêque de Kilwa-Kasenga, annonçait « un mouvement de regroupement de miliciens Bakata Katanga » qui se dirigeait vers Mitwaba, sur les ondes de Radio Okapi… la radio onusienne !
« Le Katanga ne doit plus être une crise négligée » avertissait dans sa note le bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU. Pour le moment, cela semble pourtant être le cas.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
La milice de Kyungu : trop, c’est trop !

Publié le mardi 22 avril 2014

Trois compatriotes ont trouvé la mort samedi 19 avril à Likasi, au Katanga, à la suite d’affrontements entre des éléments des FARDC et des miliciens de l’Unafec (Union des Fédéralistes du Congo), opposés à l’arrestation d’un des leurs, coupable des voies de fait sur un soldat. Ce drame semble assimilé à un banal fait divers. Pourtant, il traduit une situation grave, imputable à l’inaction des autorités provinciales et nationales face aux dérives d’une milice qui se comporte dans cette partie de la République comme en territoire conquis.
Des témoignages concordants, dont celui de l’Ong Justicia, soulignent que des miliciens du parti de Kyungu font la loi dans plusieurs villes du Katanga, où ils disposent de leur propre « administration », de leur « police », de leurs « services de sécurité », de leurs amigos pour la garde des personnes arrêtées. Des détentions prolongées d’innocents sont signalées ça et là, dans une anarchie qui ne dit pas son nom.
Kabukapwa : un fâcheux précédent
Déjà à l’époque du Régime 1+4, la milice de l’Unafec s’était illustrée par la prise en otage du ministre Kabukapwa, alors titulaire du portefeuille des Affaires Foncières, parce que mécontente de sa présence au gouvernement, dans le quota de leur parti. Bloqué pendant des heures au Park Hôtel et en danger de mort, il avait dû être évacué précipitamment à Kinshasa après une intervention musclée de la police, écourtant du coup une mission qui devait le conduire dans plusieurs contrées du Katanga.
Comme pour le cas des morts de Likasi, les auteurs du grave outrage fait à un membre du gouvernement n’avaient nullement été inquiétés.
On rappelle qu’au début de la législature de 2006-2011, des députés provinciaux accusés d’avoir initiés une pétition contre le président de l’Assemblée provinciale du Katanga et président national de l’Unafec, Gabriel Kyungu, avaient été enfermés au siège de leur institution et sérieusement molestés par des miliciens de l’Unafec. Encore une fois, l’impunité était au rendez-vous, installant du coup un climat de terreur et d’impuissance parmi les élus du Katanga.
Kyungu : fausse condamnation
Chaque fois que des inciviques de l’Unafec posent des actes de violence sur des acteurs, politiques, des membres de l’armée et de la police nationale ou de paisibles citoyens, Gabriel Kyungu s’est toujours illustré par un discours endormeur. Il se contente de condamner, du bout des lèvres, la criminalité institutionnalisée au sein de son parti. L’homme fait non seulement croire que les marginaux qui entretiennent l’insécurité au Katanga n’appartiennent pas à sa formation politique mais en plus, promet de punir sévèrement et de chasser de ses rangs les brebis galeuses.
Depuis des décennies, personne n’a jamais pris connaissance des résultats des enquêtes de l’Unafec sur les crimes de ses miliciens. D’aucuns se demandent si ce n’est pas ce leader lui-même qui incite ses sympathisants à créer des incidents pour faire peur à ses adversaires politiques ainsi qu’aux malheureux cadres de la territoriale, de l’armée et de la police, incapables de lever le petit doigt face au tout puissant président de l’Assemblée provinciale.
Jusques à quand va-t-on tolérer les dérives de la Junafec ?
Au regard des atteintes répétées à la sécurité intérieure dans lesquelles s’illustrent des miliciens de la Junafec (Jeunesse de l’Union Nationale des Fédéralistes du Congo) au Katanga, il s’avère impérieux que l’Etat de droit prenne le dessus sur la jungle. Les observateurs pensent que les autorités civiles et militaires, tant provinciales que nationales, devraient lancer des opérations d’éradication de toutes les milices de Gabriel Kuyngu et ne plus faire foi à ses fausses condamnations de leurs crimes.
La puissance publique devrait prendre ses responsabilités pour délivrer le Katanga de l’emprise d’une « force négative » qui risque de se croire intouchable. Trop, c’est trop ! La milice de l’Unafec a assez tracassé, brutalisé, maltraité, blessé et tué des civils comme des militaires. Il est temps que les gouvernants démontrent à tous qu’ils ne cautionnent pas implicitement ses turpitudes.
Kimp
Kimp
Kyungu wa Kumwanza s’indigne des dérapages de ses militants à Likasi.

Publié le mardi 22 avril 2014
(LUBUMBASHI)- Le président de l’Union nationale des fédéralistes du Congo, Gabriel Kyungu wa Kumwanza a condamné les actes de violence perpétrés par certains jeunes de son parti à Likasi et a menacé de traduire en justice ceux qui étaient directement impliqués.
Les échauffourées ont opposé les éléments de l’armée congolaise aux militants de la Junafec. Le bilan fait état de trois morts et plusieurs blessés. ‘‘L’Unafec n’est pas une milice. Je vous dis que ceux qui provoqueront des troubles seront traduits en justice. Il est inadmissible au moment où l’on se bat pour instaurer la paix au pays et au Katanga que des jeunes se comportent comme ça’’, a déploré le président de l’assemblée provinciale du Katanga. Le leader de l’Unafec a appelé la population de Likasi à dénoncer tous les fauteurs des troubles. Gabriel Kyungu wa Mwanza prévient déjà que les membres de son parti reconnus coupables de ses pratiques anti-démocratiques, seront sévèrement sanctionnés.