Publié le mardi 14 octobre 2014
Écrit par Angelo Mobateli
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Le secrétaire permanent de la plate-forme « Agir pour les élections transparentes et apaisées » (AETA) et président de la Ligue nationale pour les élections libres et transparentes (Linelit), Jérôme Bonso, a réaffirmé dimanche 12 octobre 2014 dans un débat télévisé à Kinshasa l’impossibilité d’organiser les élections « crédibles, justes et régulières » d’ici à 2016 en RD Congo.
« Au gouvernement, le président de la Ceni a exigé qu’il rende publiques au plus tard fin février 2014 la liste officielle et la délimitation des groupements, la cartographie des villes, communes, quartiers, chefferies, secteurs et groupements. Ce qui n’a pas été fait, puisque nous sommes aujourd’hui au mois d’octobre », a-t-il rappelé. Il a ajouté que « les tribunaux de Grande instance pour le traitement des contentieux des élections urbaines, municipales et locales, qui devraient être opérationnels avant septembre 2014, ne le sont pas à ce jour ».
Par conséquent, a-t-il soutenu, « l’organisation des élections municipales, urbaines et locales en 2015 est difficile, voire impossible à cause du fait que les exigences que la Ceni érige en préalables dans sa feuille de route tardent encore d’être accomplies et dépendent de la volonté politique ».
Les exigences de la Feuille de route de la Ceni
L’Abbé Apollinaire Malumalu, président de la Ceni, a présenté à l’Assemblée nationale le 30 janvier 2014 la Feuille de route des élections. Dans ce document de près de 25 pages titré « La République Démocratique du Congo - deux ans après les élections de 2011 : état des lieux et perspectives », il a exigé « 1) la disponibilisation en temps opportuns des moyens financiers suffisants; 2) la finalisation du processus de décentralisation; 3) l’élaboration d’un cadre légal révisé relatif aux élections provinciales, sénatoriales, gouvernoral, législatives et présidentielle ». Il a réclamé aussi 4) une cartographie opérationnelle des villes, communes, quartiers, chefferies, secteurs et groupements claire et précise des entités territoriales notamment en résolvant le problème de quelques 811 groupements de faits ; 5)le recensement administratif de la population; 6) le recrutement, la formation et le déploiement des magistrats et auxiliaires de la justice électorale, ainsi que l’installation des tribunaux de paix sur l’ensemble du territoire national; 7) la vulgarisation sur terrain, des entités territoriales décentralisées nouvellement créées ».
La Ceni sollicite des crédits de 750 millions USD
Au parlement, le président de la Ceni a demandé expressément de « prendre en compte les budgets des opérations, du fonctionnement, d’investissement et des rémunérations ; de réviser le cadre légal au plus tard mars-avril-mai 2014 pour les élections urbaines, municipales et locales ainsi que provinciales, sénatoriales, législatives et présidentielles ; d’adopter les lois portant répartition des sièges en fonction des exigences du cycle électoral ».
Au gouvernement, l’Abbé Malumalu a exigé qu’il rende « publiques au plus tard fin février 2014 la liste officielle et la délimitation des groupements, la cartographie des villes, communes, quartiers, chefferies, secteurs et groupements et financer le plan de sécurisation du processus électoral ». Une somme de plus de 750 millions USD apparaît à la page 24, en termes de crédits sollicités par la Cenidurant les trois (3) ans d’organisation de ces différents scrutins avec comme objectif principal de « vider les arriérés électoraux 2006-2011 et élire le président de la République en passant d’abord par les élections municipales, urbaines et locales ainsi que celles provinciales et sénatoriales ».
Au-delà de la mobilisation du budget des opérations, le gouvernement a été invité à « présenter le résultat du recensement administratif de la population au plus tard en septembre 2015 ».
Sur le plan de la justice, la Feuille de route de la Ceni exige que « les tribunaux de Grande instance pour le traitement des contentieux des élections urbaines, municipales et locales doivent être opérationnels avant septembre 2014 ». Elle impose aussi « la formation des magistrats et des auxiliaires de la justice sur les techniques électorales et la gestion des contentieux, dans le délai et suivant le chronogramme électoral ». Enfin, pour l’élection présidentielle, la Ceni exige « l’installation effective de la Cour constitutionnelle et le renforcement des capacités des Cours d’appels ou des Cours d’administration ».
« Une autre raison qui justifie l’impossibilité d’organiser ces élections locales avant 2016 est le fait qu’elles sont complexes et onéreuses à cause de l’accroissement des circonscriptions électorales, soit 7.265 contre 169 créées lors des élections de 2011 », a commenté le président de la Linelit, Jérôme Bonso.
Les deux hypothèses de la Ceni
En fait, selon l’Abbé Malumalu, « la Ceni a opté pour l’organisation des élections municipales, urbaines et locales en 2015 ». Toutefois, aux députés nationaux siégeant en plénière au Palais du peuple à Kinshasa, le président de la Ceni leur avait fait obligation de « lever l’option du mode des scrutins à opérer pour certaines élections », en posant deux hypothèses.
Dans la première hypothèse, il s’agit d’élire aux suffrage directs les conseillers des secteurs, des chefferies, des communes qui procèdent à leur tour à l’élection aux suffrages indirects des chefs de secteur, des bourgmestres, des maires et maires adjoints, des conseillers urbains, des députés provinciaux et sénateurs, des Gouverneurs et Vice-gouverneurs.
Ayant vidé ces arriérés électoraux au plus tard en 2015, vient alors le tour de l’élection aux suffrages universels directs des députés nationaux et du Président de la République en 2016 conformément au délai constitutionnel.
D’après l’Abbé Malumalu, la première hypothèse « va permettre de faire justice aux électeurs qui n’ont jamais choisi leurs dirigeants à proximité, de mettre fin à un double arriéré électoral, de respecter les engagements congolais dans l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, la loi électorale et la Constitution, de contribuer à la stabilité du pays et à la consolidation de la paix, de mettre fin au disfonctionnement institutionnel et à la crise de légitimité dans les entités locales territoriales et urbaine de base ».
La deuxième hypothèse maintient l’élection aux suffrages universels directs des députés provinciaux, nationaux et du Président de la République en 2016, projetant automatiquement celle aux suffrages indirects des sénateurs, Gouverneurs et Vice-gouverneurs en 2017.
Etude technique de l’AETA
Les experts électoraux de l’AETA, qui s’étaient réunis du 24 au 26 avril 2014 pour procéder à un examen technique profond de la Feuille de route du cycle électoral 2013-2016 présentée à l’Assemblée nationale par la Ceni, avaient annoncé le 9 mai qu’« il est impossible d’organiser les élections municipales et locales crédibles, justes et régulières avant 2016 ».
« Il est par contre exigeant de continuer le cycle électoral 2011-2016 par l’organisation en priorité des élections provinciales au suffrage direct, des élections sénatoriales, des gouverneurs et vice-gouverneurs, dès 2015 », avaient-ils suggéré.
Réalisée dans une démarche de participation citoyenne, cette étude technique de l’AETA visait « non seulement à apporter des éclairages techniques justes et objectifs tant aux décideurs électoraux, aux acteurs clés du processus électoral qu’à la population congolaise, mais surtout à contribuer à l’émergence d’un consensus électoral national autour du cycle électoral 2013-2016 qui augure l’incertitude et la crainte quant à sa réalisation et sa réussite ».
Après examen des deux hypothèses de la Feuille de route proposées par la Ceni, les experts de l’AETA avaient « décelé des incohérences, des contradictions et des contraintes flagrantes ».Ils avaient prévenu qu’elles « pourraient, si l’on ne prend garde, porter un coup dur au processus démocratique en RDC à cause du déficit de planification et de l’instrumentalisation politique qui caractérisent le cycle électoral 2013-2016 ».
L’AETA a noté que :
1. D’une manière générale, la Feuille de route de la Ceni démontre que:
• Le processus électoral 2013-2016 accuse un grand retard de 6 mois qui a des répercussions sur l’ensemble du calendrier électoral et qui constitue une menace réelle sur les exigences constitutionnelles en rapport avec cet aspect;
• Il serait impossible d’organiser les élections nationales et provinciales dans les meilleures conditions et « à bonne date »;
• La feuille de route de la CENI propose une démarche qui risquerait de conduire le processus électoral en cours à l’impasse.
2. Par rapport à la première hypothèse de la Ceni :
A. L’élection des députés provinciaux au suffrage indirect a les principaux inconvénients suivants :
• Couper les élus provinciaux de leur base naturelle;
• Amenuiser l’exigence de redevabilité des élus vis-à-vis de leurs électeurs locaux;
• Réduire à la majorité des partis politiques la chance de participer directement à la gouvernance des entités provinciales;
• Priver les citoyens et citoyennes congolais de leur droit de vote reconnu par la constitution;
• Enerver au moins trois textes juridiques sur les quels la CENI fonde cependant la légalité de sa feuille de route à savoir, la Constitution (article 197), la Loi Electorale et l’Accord-cadre d’Addis-Abeba.
B. L’organisation des élections municipales, urbaines et locales en 2015 est difficile, voire impossible à cause du fait que les exigences que la CENI érige en préalables dans sa feuille de route tardent encore d’être accomplies et dépendent de la volonté politique.
Il s’agit notamment:
• De la disponibilisation en temps opportuns des moyens financiers suffisants;
• De la finalisation du processus de décentralisation;
• De l’élaboration d’un cadre légal révisé relatif aux élections provinciales, sénatoriales, gouvernoral, législatives et présidentielle;
• De l’élaboration d’un cadre légal révisé relatif aux élections provinciales, sénatoriales, gouvernoral, législatives et présidentielle;
• D’une cartographie opérationnelle des villes, communes, quartiers, chefferies, secteurs et groupements claire et précise des entités territoriales notamment en résolvant le problème de quelques 811 groupements de faits ;
• Du recensement administratif de la population;
• Du recrutement, de la formation et du déploiement des magistrats et auxiliaires de la justice électorale, ainsi que l’installation des tribunaux de paix sur l’ensemble du territoire national;
• De la vulgarisation sur terrain, des entités territoriales décentralisées nouvellement créées.
« L’organisation précipitée des élections municipales, urbaines et locales en 2015 et l’impréparation des électeurs, acteurs principaux de ces élections, risqueraient de créer une démocratie monolithique, de triste mémoire », explique l’AETA.
3. Par rapport à la deuxième hypothèse de la Ceni :
En général, la seconde hypothèse de la Feuille de route de la Ceni pose de sérieux problèmes quand à sa réalisation ; elle n’est pas réaliste.
Telle que présentée, elle intègre un piège qui la voue à être rejetée par les honorables députés qui seraient ainsi contraints d’opter pour la première hypothèse qui est par contre techniquement et politiquement irréaliste et irréalisable, pour des raisons évidentes évoquées ci-haut en rapport avec la première option.
4. De la feuille de route alternative de l’AETA
Pour « décanter et décrisper le contexte électoral en RD Congo », l’AETA a proposé « une Feuille de route alternative qui aux impératifs juridiques, techniques, financiers et temporels ainsi que politiques qui caractérisent le cycle électoral 2013-2016 ».
« Claire, souple, réaliste et ayant le bénéfice de tenir au cadre constitutionnel actuel qui garantit la consolidation de la démocratie », l’alternative de l’AETA exige « l’organisation prioritaire des élections provinciales, législatives et présidentielle en 2015-2016 ».
Renvoyant ainsi « les élections municipales, urbaines et locales après 2016 », elle maintient, de ce fait, « le suffrage universel direct pour l’élection des députés provinciaux selon l’esprit de l’article 197 de la Constitution actuelle ».