Christophe RIGAUD – Afrikarabia
13 février 2015
(Afrikarabia) La Commission électorale (CENI) a annoncé la tenue des prochaines élections présidentielles et législatives le 27 novembre 2016. Un calendrier délivré « sous contrainte des bailleurs de fonds et des Etats-unis » pour Gaspard-Hubert Lonsi Koko, qui le juge « irréalisable ».
C’est dans un climat politique très tendu que la Commission électorale congolaise (CENI) a rendu publique aujourd’hui son « calendrier électorale global » (1) pour 2015 et 2016. En moins de deux ans, la République démocratique du Congo (RDC) doit être en mesure d’organiser sept scrutins électoraux. Après plusieurs mois d’atermoiements et de violentes manifestations meurtrières mi-janvier 2015, la CENI sort enfin de son mutisme et publiant un calendrier électoral complet. La date la plus attendue est évidemment celle de la prochaine présidentielle. L’opposition congolaise craint que le président Joseph Kabila, que la Constitution interdit de se représenter, ne cherche à faire « glisser » le calendrier pour rester au pouvoir. La CENI a donc fixé la date de la présidentielle, couplée avec les législatives, au 27 novembre 2016. Une échéance conforme à la Constitution congolaise. Auparavant, devront se tenir les élections des députés provinciaux et les élections locales, le 25 octobre 2015, puis viendront les élections sénatoriales le 17 janvier 2016 et celles des gouverneurs de provinces le 31 janvier 2016.
Le pouvoir « dos au mur »
Pourtant, de nombreux observateurs doutent de la crédibilité de ces dates, dans un timing « très serré », et ou le « financement n’est pas encore assuré ». Pour Gaspard-Hubert Lonsi Koko, du Rassemblement pour le Développement et la Paix au Congo (RDPC), un parti d’opposition qu’il dirige depuis Paris, « Kinshasa n’avait plus le choix. Le pouvoir est dos au mur, acculé, et obligé de publier ce calendrier, pressé par ses partenaires internationaux et ses bailleurs de fonds ». Depuis sa réélection contestée de 2011, Joseph Kabila fait face à une forte crise de légitimité, qui s’est transformée en crise politique profonde. Soupçonné de vouloir modifié la Constitution pour se représenter en 2016, Joseph Kabila en a été dissuadé par John Kerry en mai 2014, puis par François Hollande en novembre 2014 et enfin (et surtout) par le renversement de Blaise Compaoré, qui souhaitait également changer le texte fondamental pour se maintenir au pouvoir. Début 2015, de violentes manifestations contestaient dans les rues de Kinshasa la volonté du gouvernement de lier la tenue des prochaines élections à un recensement général de la population. Une opération qui pourrait prendre plusieurs années… et donc bien au-delà de 2016. L’alinéa litigieux a été retiré in-extremis. De reculades en reculades, le pouvoir se voyait donc dans l’obligation de publier un calendrier électoral dans le « respect constitutionnel ». « Sur le papier, ça tient la route, c’est une promesse qui fera plaisir aux bailleurs, nous confie Gaspard-Hubert Lonsi Koko, mais concrètement ce n’est pas réalisable. Le régime est dans une telle situation de faiblesse qu’il ne peut que dire oui à tout. La RDC n’est pas autonome sur son calendrier électoral ».
Financement « théorique »
La principale crainte de ce calendrier très serré : ce sont les finances. Même si les Etats-unis se sont déclarés partant pour aider au financement des scrutins, et si le président de la CENI, l’abbé Malu-Malu, a « déjà convenu avec le Premier ministre un plan de décaissement », l’argent nécessaire à l’organisation des scrutins (1,4 milliards de dollars) reste encore très « théorique ». « Le financement est un vrai problème, selon Gaspard-Hubert Lonsi Koko, l’argent prévu pour les élections est déjà parti pour faire la guerre à l’Est, notamment contre les FDLR. Il sera très facile pour la CENI de prendre le prétexte du manque d’argent pour repousser les élections ». Autre inquiétude : le recensement, qui, même s’il n’est plus lié à l’élection présidentielle, est indispensable pour la bonne tenue des élections provinciales. « Pour comptabiliser le nombre de siège à pourvoir, il faut obligatoirement connaître le nombre d’électeurs », explique le responsable du RDPC. En reportant les élections provinciales, la tenue de la présidentielle en novembre 2016 n’est donc plus complètement assurée. La thèse du « glissement électoral » a donc encore la peau dure du côté de l’opposition, qui n’imagine pas une seule seconde Joseph Kabila raccrocher les gants en 2016. Christophe RIGAUD – Afrikarabia