M23 : vérités sur sa réalité et ses revendications
Que veut exactement le M23? La question mérite d'être posée, maintenant que l'on s'approche de la phase d'évaluation (et non de négociation) des revendications de ce groupe de suppôts aux agresseurs rwando-ougandais. Cette question ne ramène à une autre - préalable celle-là - de savoir qu'est-ce que le M23 et quelles étaient leurs motivations de départ, afin de parvenir à établir une éventuelle connexion entre cette "réalité originelle" et les "revendications" d'aujourd'hui en sachant que celles-ci sont nées à la suite de l'occupation momentanée de Goma par les troupes rwandaises déguisées en M23. C'est connu. Au commencement fut un groupe de militaires des FARDC issus du CNDP, un mouvement autrefois armés qui se mua en parti politique conformément aux accords du 23 mars 2012. Fin 2011 - début 2012, des remous s'élèvent des rangs de l'armée à l'Est, et l'on parle d'un certains nombre de doléances, notamment les avancements en grade, l'amélioration et la régularisation de la paie de la solde ainsi que d'autres conditions de vie des hommes de troupe. La réalité c'est que ces revendications ont vu le jour quand la haute hiérarchie militaire a entrepris d'opérer des mutations des militaires stationnés aux Kivu vers d'autres provinces. C'est donc ici que naîtront ces remous sur fonts ethnicistes. On entendra dire que ces militaires s'opposent à tout déplacement parce qu'ils veulent protéger les-leurs contre des tentatives d'extermination. Là aussi surgit une réclamation de rapatriement des réfugiés congolais vivant notamment au Rwanda. On se souvient, à ce sujet, que Kigali avait voulu renvoyer sans ménagement tous ces "réfugiés", mais le Gouvernement congolais était parvenu à y mettre un stop avec le concours du HCR, car il fallait réunir toutes les conditions d'usage pour ce faire : identifier ces "réfugiés", obtenir leur constamment, aménager les cadres d'accueil, organiser leur insertion, etc. La réalité est que c'est ici que se situe le noeud du problème, ce fameux plan d'occupation ethnique d'un espace territorial sur le sol congolais avec tout ce que cela implique comme, notamment, l'accaparement des zones minières en vue de leur exploitation au détriment du Trésor public. Tout le problème est donc celui-là : établir une zone d'occupation ethnique avec une prime des ressources minières, mais aussi une protection et une sécurisation militaire par ces anciens éléments du CNDP, bref le schéma même de Laurent Nkunda qui refusa de gagner Kinshasa après le Dialogue intercongolais sous prétexte qu'il fallait un accord militaire après ces accords politiques de Sun City. On connaît la suite, jusqu'à son équipée sur Bukavu où il alla soutenir Jules Mutebusi, lui-même mis en déroute par feu Budja Mabe. C'est donc sur cette plage ethnico-affairiste que les futurs mutins-rebelles vont commencer à surfer, jusqu'à ce que fin mars - début avril 2012, le Chef de l'Etat, Joseph Kabila effectue une descente au Nord Kivu. A l'occasion, le Président de la République, qui s'entretient notamment avec les notables de la provinces en swahili bora, émet trois messages essentiels : Bosco Ntaganda ne continuera plus à bénéficier de l'impunité et qu'il pourra faire l'objet d'un procès même devant la justice congolaise s'il ne se met pas du côté de la paix; il n'existe pas d'armée dans l'armée car l'armée n'est pas ethnique; aussi longtemps qu'il sera au pouvoir, il ne sera pas question de céder la moindre portion de terre du Congo. les évènements sont connus. Kabila arrivait à Goma après que Ntaganda eu fait son entrée terroriste après avoir semé la terreur à Rusthuru. Quelques temps après, on va apprendre l'éclatement d'une mutinerie. Les "mutins" vont gagner leur traditionnel Masisi-Rutshuru en tuant une centaine de civils. La terreur commence et le discours officiel du moment est connu : revendications d'ordre militaire strictement. Mais personne n'est dupe, car le plan d'occupation-balkanisation de la RDC est en marche. Bref, toutes les appréhensions autour du discours de Berlin II se déploiement en réalité sous le nez et la barbe de toute la communauté internationale. Et ce n'est pas par hasard que, sur leurs 21 points de revendication, les rebelles-suppôts du Rwanda mentionnent le retour des réfugiés congolais du Rwanda et des autres pays de la région. De la mutinerie, on évoluera jusqu'à l'annonce d'une rébellion qui se prénommera M23 avant de se doter d'une branche armée, l'ARC, et d'une direction politico-administrative. Là aussi on assiste à la matérialisation de ce plan de balkanisation qui s'est précisé le même jour où Goma tombait aux mains des troupes rwandaises comme le confirment les experts de l'Onu. Ce même jour là, en effet, s'ouvrait sur facebook une page nommée "United Free State of Kivu, État Libre et Unie du Kivu". La page présente cette dénomination comme un groupe inter-communautaire, mais personne n'est dupe, puisque la page présente un drapeau et même des modèles de timbre. Alors revenons à la question de départ : qu'est-ce que le M23 et que veut-il? En réalité il ne sert à rien de chercher à y répondre. D'abord parce que, finalement, on sait pas définir clairement ce que cette nébuleuse veut exactement. Toutes les soi-disant revendications ne sont que des leurres pour camoufler la vraie réalité qu'est le plan (en cours d'échec) d'occupation d'une partie du territoire congolais. Sinon on ne comprendrait pas que ces donneurs de leçons de gouvernance, des droits de l'homme ou de démocratie se soient comportés en desperados en mettant Goma à sac tout en maintenant un dispositif de terreur pour ternir, le moment venu, l'image de la Police et des FARDC. Ensuite parce que, comme dans un bal de chauves, les évènements ont démontré que le coup est venu du Rwanda et de l'Ouganda, véritables maîtres d'ouvrage délégués (MODE) du plan de balkanisation concocté outre Grands Lacs et outre mers... Que resterait-il alors à faire avec ces suppôts des agresseurs? Rien de plus que de refuser d'établir le moindre fil de dialogue. C'est à ce stade que l'on se situe avec "l'évaluation" de leurs revendications, et l'on peut parier fort qu'au moment de l'évaluation de leurs fameuses revendications, il ne restera que la signature au bas de la feuille lorsque toutes les mentions sans objet auront été biffées. Pascal Debré Mpoko