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QUEL BILAN DE LA PRESIDENCE DE JOSEPH KABILA ?

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- En 2016, Joseph Kabila qui a succédé à son père assassiné en 2001 aura passé 15 ans à la tête de la RD Congo. Quel bilan faîtes-vous de la présidence de Kabila fils ? 

Joseph Kabila a mis fin à l’état de balkanisation réelle de son pays qui a duré 5 ans. Il a obtenu que les armées d’agression quittent officiellement le pays et il a réunifié la République démocratique du Congo qui était déchirée en 4 morceaux. Ensuite il s’est battu pour mettre fin à la période 1+4 qui a duré trois ans, dans laquelle l’état congolais était très divisé et sous tutelle de la communauté internationale. Depuis il a défendu la souveraineté du Congo, l’intégrité territoriale et l’unité du pays contre les nouvelles guerres en 2004, 2008 et 2012 qui étaient lancées à partir de Kigali et de Kampala. Depuis la défaite militaire des M23, la situation s’est un peu calmée, mais la menace est toujours présente. 

On peut aussi noter qu’au plan économique il a réussi à mettre fin à la très longue période dans laquelle il n’y avait plus aucune dynamique économique en Zaïre-RDC, période qui a duré de la fin des années 1970 jusqu’à environ 2008. Aujourd’hui la RDC connaît un chiffre de croissance de 8 à 9% et le chiffre de l’inflation est de loin le meilleur depuis l’indépendance. Il y a des routes qui sont construites, des concessions qui sont exploitées. La production de cuivre a dépassé le niveau record des années 1970 – 1980. Les marchés de Kinshasa ont été pendant des décennies approvisionnés pour une grande partie via l’importation de poulets, beurre, café etc… qui arrivaient dans les chambres froides. Aujourd’hui la société propriétaire de ces frigos les a vendus et a investi dans l’agriculture au Congo même. Le maigre budget du gouvernement a été multiplié par 4 entre 2006 et 2012, tandis que dans cette même période la part d’aide budgétaire extérieure a diminué de 43% vers 6,4%. 

Au niveau des alliances et de coopération internationale, la RDC joue à nouveau un rôle important. Les bases sont jetées pour une alliance stratégique fondamentale RDC - Angola – Afrique du Sud. Joseph Kabila a continué la ligne de son père en ce qui concerne l’appartenance et l’intensification des relations avec les pays d’Afrique australe dans la SADC. Et il a ouvert le pays aux économies émergentes, notamment la Chine qui est devenue le partenaire économique le plus important du pays. En même temps il enlève chaque prétexte aux Etats-Unis et l’Union Européen de lancer une agression ouverte et il laisse la porte ouverte pour la coopération avec tout le monde. 

Du côté négatif et faible : il ne s’appuie pas sur un parti qui est plus ou moins unifié au niveau des idées politiques et idéologiques mais sur un large front dans lequel on trouve beaucoup d’opportunisme et d’intrigues. Le résultat c’est que régulièrement des poids lourds du camp présidentiel le trahissent et cherchent à se positionner pour le futur. Il y a aussi des hommes politiques qui se trouvent dans son camp, qui défendent ouvertement une politique de soumission aux Etats-Unis et à l’Union Européenne. Deuxième grande faiblesse, c’est qu’il n’y a aucune forme d’organisation qui lie ce gouvernement avec les masses. Les masses doivent toujours attendre que les choses soient résolues pour elles. On ne leur donne pas de rôle. Depuis que les comités du pouvoir populaire ont complètement échoué et ont été dissous, il n’y a aucune forme d’organisation qui a donné du pouvoir au peuple. Celui-ci n’a pas les moyens d’exiger un développement qui lui permet de résoudre ou d’avancer avec les problèmes quotidiens auxquels il est confronté. Tous les efforts et toute la dynamique économique se jouent au-dessus de la tête de la population. Souvent, le peuple ne voit pas cette modernisation comme un mouvement auquel il fait partie. 

Enfin, troisièmement, il existe au sein du gouvernement congolais aussi une certaine croyance aveugle dans le marché libre et dans la voie des économies émergentes comme seul principe de dynamique économique. Et il est vrai que pour développer les forces productives ce marché libre est utile, comme les économies émergentes le prouvent. Mais cette voie a ses limites, elle l’a amplement prouvé dans les grandes économies capitalistes et en tant que marxiste je suis convaincu que tôt ou tard on aura besoin du perspectif du socialisme pour garantir la continuité du progrès.
- Comment entrevoyez-vous la présidentielle de 2016 ? Si le président Joseph Kabila ne se présente pas à la présidentielle de 2016, l’opposition ne pourra-t-elle pas être la principale victime de son émiettement, ceci au profit du parti du président sortant ? A votre avis qui pourrait remplacer valablement Kabila et faire mieux ? Et doit-on craindre une guerre de succession ? 

La région Afrique centrale se trouve déjà depuis deux décennies dans l’œil de la tempête avec des génocides, guerres et massacres de millions de personnes, des énormes vagues de réfugiés mais aussi des victoires et du progrès modestes. La raison en est sa position géostratégique importante et la concentration des richesses naturelles unique dans un monde en perpétuels changements où les anciens maîtres sont décidés à défendre leurs positions privilégiées avec le feu et le sang et dans lequel les peuples veulent la paix et le progrès et regardent vers les économies émergentes dans l’espoir de se libérer du joug néocolonial. Si cette région pouvait se stabiliser d’une façon plus durable sur la base de ses propres forces et connaître un vrai décollage économique, ce serait décisif pour l’Afrique entière. Cela ne sert à rien de spéculer sur ce qui se passera au niveau des acteurs. En politique, il ne faut pas se baser sur des interprétations d’intentions de personnes. Et comme on a vu pendant la dernière décennie des tournures spectaculaires au niveau des alliances et de personnes, on le verra encore les années à venir. Le seul critère qui peut servir à juger les hommes politiques ce sera leur position politique. Et on peut bien décrire les choix politiques devant lequel le peuple se trouvera les années à venir : ou bien on se bat et on choisit de garder et surtout d’approfondir les progrès qui ont été faits au cours de la dernière décennie en ce qui concerne, la paix, l’unité et la souveraineté du pays, son indépendance et son ouverture décomplexée envers le monde et enfin sa croissance et redynamisation économiques. Ou bien les forces gagnantes seront celles qui plaideront pour le retour résolu vers une alliance avec les Etats-Unis et l’Union Européenne, le renforcement du régionalisme et des intérêts particuliers. Dans le premier cas, on assistera à une évolution vers l’émergence de la RDC comme un pays fort, dans l’autre cas le chaos et la balkanisation menacent.
EN AFRIQUE IL FAUDRA REMPLACER LA PHRASE HYPOCRITE D’OBAMA "PAS DE DEMOCRATIE SANS ALTERNANCE" PAR "PAS DE DEMOCRATIE SANS SOUVERAINETE" »
 
- Le 25 janvier 2015, la loi électorale controversée a finalement été adoptée de manière consensuelle par le Parlement. Elle ne lie plus l’organisation de la prochaine présidentielle à un quelconque recensement de la population. Quelles doivent maintenant être les priorités aussi bien pour les populations que pour les hommes politiques ? 

La première priorité est d’exiger le strict respect de la souveraineté de la RDC. Il faut exiger de l’Union Européenne et le gouvernement belge qu’ils assimilent la thèse de Patrice Lumumba « l’histoire du Congo sera écrite au Congo même et pas à Washington, Paris ou Bruxelles ». L’idée que l’on peut imposer la démocratie à partir de la communauté internationale est à combattre. 

Je pourrais commencer ici une explication à savoir que la démocratie aux États-Unis ou en Europe est pleine d’injustices et défend les privilèges d’ 1% les plus riches dans ce monde. Mais même cette démocratie bourgeoise connaît des différentes formes et règles d’alternance aux Etats-Unis, en Allemagne, en France etc… Quand Obama déclare urbi et orbi en 2009 que « L’Afrique n’as pas besoin d’hommes fort, mais d’institutions fortes » c’est mensonger, hypocrite et manipulateur. Mensonger : car dans chaque pays les institutions fortes, que l’on déclare être démocratiques, sont le résultat de l’histoire du pays même. C’est le résultat aussi bien des luttes populaires des masses concernées et dans ces luttes il y a toujours eu des dirigeants, des hommes et des femmes forts. Des gens comme Washington ou Lincoln aux Etats-Unis, Bismarck en Allemagne, ou Robespierre et Bonaparte en France ont eu des influences différentes sur les institutions, les règles d’alternance y compris. Pourquoi Obama décrète que c’est l’Afrique qui devrait suivre une autre voie ? Pourquoi ne dit-il pas cela, par exemple, à cet Etat en construction qui est l’Union Européenne où Jean Claude Juncker est devenu président de la commission européenne, sans élections démocratiques et après avoir pendant 20 années eu le rôle de chef de gouvernement au Luxembourg et avoir combiné ce rôle pendant 8 ans avec celui de chef du puissant groupe euro ? Je ne mentionne même pas les amis intimes d’Obama, la famille royale de l’Arabie-Saoudite. Cette habitude de lancer de beaux discours mais en même temps employer deux poids deux mesures cache la vérité : dans tous les cas, ce sont les intérêts et l’agenda géostratégique étasuniens qui prévalent. Non, Lumumba avait raison. La démocratie pour le peuple congolais, sera le résultat du combat du peuple congolais pour sa liberté et absolument pas de l’action des gouvernements occidentaux qui ont bien leur agenda et leurs intérêts à défendre en RDC. Au lieu de l’hypocrisie « pas de démocratie sans alternance » d’Obama, il faut défendre « pas de démocratie sans souveraineté » en Afrique.
- Qu’est-ce que cela veut dire concrètement ? 

Cela veut dire que la souveraineté des institutions congolaises doit être respectée. Cela veut dire absence d’ingérence dans le travail de la CENI de la part des ambassadeurs et diplomates occidentaux. La souveraineté impose que les diplomates occidentaux cessent de soutenir la campagne de l’opposition qui est basée sur un procès d’intention du Président Kabila, et de cette façon créer une atmosphère poujadiste dans laquelle il n’y a plus de place pour un débat politique autour d’un programme de gouvernement. Elle suppose également que les diplomates qui « accompagnent le processus de paix », ne protègent plus le M23 et leurs parrains, en ayant trop de compréhension pour l’agression et l’arrogance des présidents Kagamé et Museveni envers la RDC. En matière de politique intérieure, les diplomates occidentaux doivent poursuivre une ligne de stricte neutralité. Dans le conflit international avec le Rwanda et l’Ouganda, ils ont à faire respecter les principes de la charte de l’ONU sur l’intégrité territoriale et le respect des frontières. 

On peut aussi se poser des questions sur la composition de ce qu’on appelle l’équipe conjointe des envoyés spéciaux pour la région des Grands lacs. Il s’agit de 6 diplomates : l’étasunien Russ Feingold, Koen Vervaecke pour l’Union Européenne, Frank De Coninck pour la Belgique, Martin Kobler, diplomate allemand et chef de la MONUSCO, l’Algérien Said Djinnit, envoyé spécial de l’ONU pour la région des Grands Lacs et enfin le malien Boubacar Diarra, Représentant spécial de l’Union africaine. En 2014, quand il s’agit de la paix en Afrique centrale, la communauté internationale est représentée par 1 américain, 3 européens et 2 Africains de l’Afrique du nord. Est-ce que c’est normal que dans le monde d’aujourd’hui, il n’y a aucun représentant de l’Afrique australe ou des pays émergents dans cette équipe ? 

Les gouvernements étrangers ne respectent pas non plus la souveraineté de la RDC en laissant lancer des campagnes d’intoxication criminelle à partir de leur territoire. Lancer une vidéo avec des images cruelles d’une explosion d’une armurerie à Brazzaville et prétendre qu’il s’agit des conséquences de la répression policière au Congo, cela n’a rien à voir avec la liberté d’expression. C’est un acte criminel qui dans le contexte du lundi 19 janvier 2015 avait comme but de provoquer de la violence. 

Or ces choses sont faites et organisées à partir de Paris, Bruxelles et ailleurs par des personnes et des réseaux qui agissent depuis des années en toute liberté, sous les yeux des services de renseignements étasuniens, Français et belges. Enfin, en RDC, la tenue des élections locales ainsi que la mise sur pied d’un système de recensement permanent reste très importantes. En ce qui concerne les élections locales annoncées pour cette année 2015, ce sera la première fois que le peuple choisisse librement les élus locaux qui vivent parmi eux. Jusqu’aujourd’hui, ces gens ont toujours été nommé d’en haut. Le fait d’organiser des élections à la base, peut contribuer à une évolution dans la mentalité de la classe politique congolaise. Cela peut renforcer le processus de formation de vrais partis politiques qui ont une vision de société cohérente au lieu d’être des rassemblements d’opportunistes qui cherchent à se positionner dans la lutte pour le pouvoir. Quant au recensement, au fur et à mesure que cela avance les résultats seront une base scientifique pour l’organisation de l’Etat et de la représentation démocratique. 

Entretien mené par Olivier Atemsing Ndenkop 

Source : 
Le Journal de l’Afrique n°7, Investig’Action, Février 2015 

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