RDC – Apport négatif de la justice congolaise à l’état de droit
par FreeDiomi le 3 mars 2015
Extrait/
Que voyons-nous dans nos palais de justice? :
-La Cour suprême de justice commettant des dénis de justice en refusant d’examiner les requêtes des magistrats illégalement révoqués en 2009. Il en est de même des fonctionnaires de l’Etat révoqués entre 2009 et 2010, parmi lesquels certains n’avaient jamais fait l’objet d’aucune action disciplinaire comme l’exige le statut du personnel de carrière des services publics de l’Etat ;
-La Cour suprême rendant ses décisions la nuit en l’absence des parties au procès comme s’il y avait quelque chose à cacher ( cas Eugène Diomi Ndongala);
-Disparition miraculeuse, au greffe de la CSJ, du dossier de Me Firmin Yangambi et consorts alors qu’ils attendaient le prononcé de l’arrêt depuis octobre 2011;
-Des « Kuluna » envahissant aisément et en toute impunité le périmètre de la CSJ, scandant des slogans favorables au pouvoir et perturbant l’audience de la Haute Cour pour réclamer la condamnation du député Ewanga sans que le ministère public s’aperçoive que l’ordre public est troublé.
-Des « Bakata-machins » menaçant depuis plus d’une année l’intégrité du territoire national mais priés gentiment d’intégrer les forces armées sans que la justice enquête pour mettre hors d’état de nuire les vrais instigateurs. Pareil traitement aurait-il pu être appliqué aux probables « Bakata-Bandundu » ou « Bakata-Equateur »?;
-Le Procureur général de la République n’appréciant pas à sa juste valeur l’opportunité des poursuites dans l’intérêt de la cohésion nationale et toujours prompt à mettre la main sur les opposants pour des cas mineurs et douteux ( cas Eugène Diomi Ndongala) pendant que ceux qui ont le sang des Congolais sur leurs mains ou qui sont cités dans le pillage des ressources naturelles du pays circulent librement et /ou sont amnistiés;
-Le Procureur général de la République prompt à collaborer avec la CPI pour une infraction qui relève de la compétence de la justice congolaise alors que le Rwandais Bosco Ntaganda, poursuivi par la même Cour pour des crimes graves et imprescriptibles se la coulait douce au vu et au su des toutes les autorités de la justice;
-Le Procureur général de la République qui se distingue par un mauvais exemple en refusant d’exécuter une décision de la Cour suprême de justice assignant à résidence surveillée un prévenu ou accordant à un autre (tous opposants) la liberté provisoire ( cas du député Eugène Diomi Ndongala, assigné trois fois en résidence mais sans exécution à cause de la « rébellion » du PGR);
-De nombreux cas d’assassinat, d’enlèvement, de bastonnade et de tortures commis à l’endroit des journalistes et des leaders d’opinions qui demeurent non élucidés;
-Sur ordre du Procureur général de la République, des juges du Tribunal de grande instance de Kinshasa/Gombe furent jetés en prison en octobre 2009 pour avoir accordé la liberté provisoire à l’Administrateur délégué général de l’Ogefrem et à son Administrateur directeur technique alors que les faits mis à charge de ces mandataires n’ont jamais été établis jusqu’à ce jour;
-Des gestionnaires des entreprises du portefeuille de l’Etat impliqués dans les rapports d’enquêtes parlementaires mais jamais inquiétés par la justice;
-Des politiciens rendus célèbres par des discours distillant la haine tribale et ethnique au Katanga mais jamais interpelés par la justice;
-Le Conseil supérieur de la magistrature observant impuissant (aux dires de nos amis œuvrant dans cet organe) l’embourgeoisement scandaleux des magistrats devenus plus affairistes qu’hommes de lois sans qu’aucune action disciplinaire soit ouverte à leur charge conformément au statut des magistrats;
-Des magistrats du parquet se disputant l’attribution des dossiers civils demandés en communication juste pour monnayer leur avis. Le dernier cas en date a eu lieu au Parquet général près la Cour d’appel de la Gombe il y a plus ou moins 20 jours, etc.
Arrêtons-nous là.
Conclusion
Ces quelques cas, qui ne constituent que l’extrême pointe de l’iceberg, prouvent à suffisance que bonnes ou mauvaises, les lois d’un pays n’ont d’effet et de sens que ce qu’en font ceux et celles qui sont chargés de les appliquer, en l’occurrence les magistrats. Malgré le contexte institutionnel très restrictif dans lequel ils avaient évolué, nous avons vu comment sous la deuxième République les magistrats se sont surpassés tant bien que mal pour laisser à la postérité des références procédurales et jurisprudentielles faisant oublier celles de l’époque coloniale. Dès que l’ouverture démocratique a pointé à l’horizon, plusieurs magistrats ont posé des actes courageux destinés à libérer le pouvoir judiciaire des griffes de la dictature et indiquant, pour la troisième République, que cette institution allait s’imposer comme dernier rempart contre les violations de la loi d’où qu’elles viennent et comme garant des droits et libertés fondamentaux et de l’équilibre des institutions.
Alors qu’on est effectivement dans cette troisième République tant rêvée, les magistrats ont annihilé leur propre combat et craché sur les sacrifices, parfois humains, de tout un peuple pour l’avènement de la démocratie et de l’Etat de droit. En dépit des textes législatifs leur accordant plus clairement leur indépendance et la gestion par eux-mêmes du Conseil supérieur de la magistrature qui était jadis présidé par le Président de la République, ils ont cassé l’élan qui allait rendre à la justice congolaise ses lettres de noblesse. A ce jour, de la Cour suprême de justice et du Parquet général de la République jusqu’au tribunal de grande instance et du parquet de la République près ce tribunal, très rares (c’est vrai et vérifiable) sont les magistrats qui occupent leur grade ou qui exercent leurs fonctions dans le respect du cadre tracé par la loi. Allant ainsi à contrecourant de l’Etat de droit, ils se sont fait enfermer dans le piège de l’instrumentalisation politicienne de sorte qu’ils ne méritent plus de la confiance du peuple au nom duquel la justice est rendue (Art.149 al.1er de la Constitution). Ayant donc manifestement failli à leur noble mission, ils doivent s’attendre tôt ou tard à la vraie purge qui remettra les pendules à l’heure pour rebâtir, à partir des brebis non galeuses (heureusement, il y en a encore) une justice véritablement troisième pouvoir et digne d’un pays qui se veut démocratique.
L’histoire a ceci de particulier qu’elle finit toujours par rattraper ceux qui la défient.
Par Jean-Bosco Kongolo M.
Juriste&Criminologue
C A N A D A
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