
L’accident du taxi bus qui a causé, le vendredi 3 mai dernier, la mort de plusieurs personnes, continue à accaparer l’intérêt des Kinois qui s’interrogent sur les responsabilités de cette tragédie.
A y regarder de près, vingt-huit personnes ont péri, une fois de plus, à cause de la négligence, ou plutôt de l’irresponsabilité de ceux-là même qui sont justement payés pour garantir leur sécurité !
Il est surprenant de constater que cette affaire est traitée comme un fait divers qui suscite, à peine, l’indignation des pouvoirs publics. Sans plus !
Même l’assemblée nationale qui siège à un jet de pierre du lieu de l’accident n’a pas bronché outre mesure ; mis à part la motion d’information de l’honorable Muyaya qui a réussi à obtenir une minute de silence en mémoire des disparus. Il y a eu pourtant vingt-huit morts au moins ! Mais ce chiffre paraît visiblement trop faible pour activer la machine parlementaire qui ne s’ébranle que lors de catastrophes plus meurtrières ! Vingt-huit personnes ont été sacrifiées sur l’autel de l’inconscience et de l’incompétence des autorités publiques ; et cela n’a même pas provoqué une tempête dans un verre d’eau !
Pourtant le fait est grave. Très grave même ! Vingt huit Congolais jeunes pour la plupart, valides et forts ont perdu la vie de manière atroce parce que, tout bêtement, certaines personnes n’ont pas pris les dispositions nécessaires pour leur sécurité. On semble concentrer tous les feux sur la responsabilité du conducteur de ce mini bus qui aurait péché par excès de vitesse. Soutenir pareille thèse, c’est faire montre d’étroitesse d’esprit. En regardant juste un peu plus loin que le bout de son nez, il apparaît clairement que ce chauffard n’est que le dernier maillon d’une chaîne d’irresponsables qui implique les plus hautes autorités du pays.
En effet, ces vingt-huit personnes sont mortes par la faute, en premier lieu, du Premier ministre et de son gouvernement. Cet accident apparaît comme un terrible pied de nez du destin, qui remet en cause le bilan teinté d’autosatisfaction dressé par Matata Ponyo à l’occasion de l’an 1 de son gouvernement. Quand on se rappelle que la toute première mesure du « gouvernement des technocrates » concernait justement l’interdiction des ces fameux « esprits de morts », on ne peut que constater, médusé, qu’une année après, tel un boomerang, la non exécution de cette décision lui explose à la figure ! Quelles que soient les raisons qu’on peut invoquer pour cet échec, les faits sont là : les « esprits de mort » n’ont pas été vaincus ; et continuent à semer la désolation sur les routes. C’est ça la réalité. Point barre !
Dans des pays organisés, une tragédie de ce genre aurait instantanément mis sur la sellette le ministre du Transport et ses services qui sont incapables d’expliquer pourquoi ce « cercueil roulant» était validé pour faire le transport public ? Pourquoi il avait à son bord plus de 30 personnes ? Pourquoi le receveur était à l’extérieur pendant que les passagers étaient enfermés avec un crochet ? Pourquoi ce pont où a eu lieu l’accident a été livré sans barrières de sécurité ? …Ici chez nous, dans cette République en voie d’émergence qui promet d’étonner le monde à l’horizon 2025, on a rien vu ! Que dire de la Police de Sécurité Routière, PSR ? Une brigade de corrompus, experts en rançonnement, un regroupement maffieux qui fonctionne selon un code d’éthique précis rigoureusement respecté de haut en bas de la hiérarchie, un gang juste bon à se faire du fric, et qui n’en a cure de la sécurité des usagers de la route !
Personne ne se préoccupe de poser les bonnes questions. Pire, ceux qui devaient le faire n’y songent même pas ? Voilà pourquoi ces vingt-huit personnes sont également mortes par la faute d’Aubin Minaku, de son bureau et de l’ensemble des députés. Ce crash d’un « esprit de mort » dans la rivière Kalamu est un tocsin qui vient rappeler au Président de l’Assemblée Nationale et à tous les « honorables » que la responsabilité politique passe d’abord par la définition des urgences, et la prise en compte de la sécurité et du bien-être de la population. Voter des lois, c’est bien ; mais contrôler le gouvernement et le pousser à se préoccuper primordialement des intérêts du peuple, c’est mieux. Or, de ce point de vue, la première année de Minaku au perchoir a été un bide. C’est ce manque de rigueur du pouvoir législatif vis-à-vis de l’Exécutif qui a fait que ces compatriotes ont terminé leur course terrestre dans un amas de ferraille au fond de la rivière Kalamu.
Ces vingt-huit compatriotes sont aussi morts par la fauté des dirigeants de la ville, le gouverneur en tête. Avec près de 10 millions d’habitants, Kinshasa rivalise en nombre d’habitants avec d’autres mégalopoles mondiales comme New-York, Beijing, Johannesburg… Mais la comparaison s’arrête là. Pour le reste, c’est le jour et la nuit ! Les morts du 3 mai l’ont été parce que la ville ne dispose d’aucun service de secours adapté. Près d’une semaine après, plus de la moitié des corps ne sont toujours pas retrouvés. On attend que la nature fasse son travail en ramenant les corps sur les berges de Kalamu ! Dans le fond, on ne voit aucune coordination des recherches pouvant conduire à remonter les corps pour permettre aux familles éprouvées de faire enfin leurs deuils. Ailleurs, des cellules d’accompagnement psychologiques auraient été mises en service pour s’occuper des familles des victimes ; ici, rien n’est fait ! Ces pauvres gens sont abandonnés à eux-mêmes ; seuls avec leur douleur et leur détresse ! C’est pourquoi le déplacement du gouverneur sur le site de l’accident le mercredi 8 mai dernier peut être considéré comme une offense à la mémoire de ces victimes. Kimbuta est allé voir là où sont morts vingt-huit de ses administrés. Juste voir, sans aucune piste de solution et sans un geste pour leur mémoire !
Il serait temps que, dans ce pays où la mort est de plus en plus banalisée, on comprenne que la vie est sacrée ; et que personne ne peut impunément ôter celle de son semblable ; de manière directe ou indirecte. Qu’attend donc le Procureur de la République pour se saisir de ce dossier ; et diligenter une enquête en urgence afin de définir les responsabilités et punir les coupables ?
Après l’attentat de Boston, les autorités américaines avaient immédiatement pris leurs dispositions en consignant tout le monde chez soi ; le temps de retrouver les terroristes et de garantir à nouveau la sécurité des citoyens. Ici, vingt-huit personnes sont décédées et personne ne lève le petit doigt pour chercher les coupables, prendre les décisions idoines pour retrouver les corps des disparus, s’occuper des familles éprouvées ou prévenir d’autres catastrophes. Il n’y a rien à voir. Circulez. Quelle différence avec le Gonduana ? Triste !