Devant 150 000 pèlerins venus du monde entier pour sa dernière audience générale, mercredi 27 février en fin de matinée, Benoît XVI s’est exprimé sur un ton simple et personnel, résumant l’essentiel de sa foi

GABRIEL BOUYS GABRIEL BOUYS / AFP
Benoît XVI lors de sa dernière audience, emrcredi 27 février, place Saint-Pierre
Les évêques français présents ont été frappés par la « leçon de gouvernement » donnée par le pape
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Le pape n’est pas mort, et pourtant il s’en va. En pleine possession de ses moyens intellectuels et spirituels, Benoît XVI s’est livré personnellement, mercredi matin 27 février, place Saint-Pierre, sur un mode inhabituel. Cet ultime discours de son pontificat a été écouté attentivement, dans une ambiance très particulière sous un soleil printanier : chacune des 170 000 personnes présentes savait que ce dernier adieu précède, ici même, le salut de son successeur.
La foule était mercredi bien plus internationale que pour les audiences habituelles. Francesco Martialis, 25 ans, étudiant en droit, venu avec des amies de Marseille, était arrivé tôt pour trouver de bonnes places. « Nous avons roulé depuis Marseille, la nuit de samedi à dimanche, pour assister à son dernier Angélus et, ce matin, à sa dernière audience. Très sensibles à l’œcuménisme – nous participons à des prières de Taizé à Marseille –, nous avons apprécié ce qu’il a fait en ce sens. »
Parmi les Français, des collégiens et lycéens parisiens de Stanislas, Notre-Dame de Sion, et Blomet, de Saint-Germain en Laye, de Draguignan, et aussi, avec leurs évêques, les diocèses du Puy-en-Velay, de Grenoble, de Sens-Auxerre, de Tours, de Dijon. Parmi les pèlerins, il n’est pas rare d’en voir certains pleurer.
BENOÎT XVI A RÉPONDU TRANQUILLEMENT AUX OVATIONS
Tommaso, 25 ans, étudiant à l’Académie du doublage de Florence, lui aussi, était parti dans la nuit de Toscane, avec une cinquantaine d’étudiants, tous membres de « Communion et Libération », pour arriver au petit matin sur la place. Sur leur banderole : « Tu ne nous ôtes rien, tu donnes tout ». « Benoît XVI nous avait dit cela, parlant du Christ. De la même manière, en se retirant, il ne nous ôte rien car il continuera àprier pour nous, il nous donne l’Esprit et il nous a continuellement donné le Christ en rappelant qu’il est le centre, le cœur de nos existences. » Pour ces jeunes, « Benoît XVI s’est montré comme un serviteur du peuple de Dieu et c’est de ce type d’hommes dont nous avons besoin, surtout en ce moment en Italie, dans le marasme politique actuel ».
Frank, Anny et Sara ont, eux aussi, avalé des kilomètres pour dire adieu au pape. Ces étudiants américains de 20 ans, de l’Université franciscaine de Steubenville dans l’Ohio, étudient actuellement en Autriche. Émerveillés de voir la place Saint-Pierre pour la première fois, munis de leur drapeau américain, les traits tirés après une nuit de route, ils sourient : « En ce moment, c’est un peu dur pour nous d’être catholiques dans notre pays. Nous sentons une pression laïciste de plus en plus forte. Nous espérons vraiment que nous aurons un nouveau pape fort, qui puisse nous soutenir dans notre foi, comme Benoît XVI l’a fait. »
À l’heure prévue, celui-ci, vêtu d’un manteau blanc, est apparu dans sa papamobile découverte. Il a alors entamé un long tour, plus de vingt minutes, de la place Saint-Pierre. Il émanait de la foule une joie teintée d’affection, sans exubérance. Souriant, mais sans excès, comme toujours, Benoît XVI a répondu tranquillement aux ovations. Puis il a lu son testament spirituel.
« IL NOUS LAISSE UN MESSAGE DE CONFIANCE »
Ces derniers mots, qui éclairent aussi la feuille de route du successeur, peuvent se lire à la lumière des sept ans, dix mois et neuf jours du pontificat de Joseph Ratzinger. Certes, Benoît XVI a pu avoir le sentiment que, sur la barque de Pierre qu’il a partagée avec le Christ, ce dernier « a pu sembler s’être endormi ». Mais la confiance dans cette présence ne lui a jamais fait défaut, en dépit de la « solitude », de l’absence de vie privée, qu’il a soulignée à plusieurs reprises, voire des « vents contraires » et des « eaux agitées ». Dans son discours, comme durant ses années pontificales, il a choisi de s’effacer derrière le Christ et derrière l’Église, se faisant l’avocat du retour à l’essentiel : la rencontre avec le Christ.
À l’écoute de cette ultime catéchèse, parmi les 70 cardinaux et dizaines d’évêques présents, le cardinal Jean-Pierre Ricard, archevêque de Bordeaux, a réagi avec « beaucoup d’émotion » : « Il nous laisse un message de confiance. Sa décision n’est pas un abandon, il ne descend pas de la croix. Il n’a pas renoncé pour revenir à une vie privée. Il va continuer son ministère, mystérieusement, dans la prière, continuant à accompagner l’Église autrement. »
BENOÎT XVI A LAISSÉ UN TRÔNE VIDE SUR LE PARVIS DE « SA » BASILIQUE
Mgr Bernard-Nicolas Aubertin, archevêque de Tours, a été impressionné : « Nous l’avons vu égal à lui-même, très humble, très simple. Notre mission est une mission de service. C’est un grand message d’humanité et d’humilité profonde, à son image, en homme attentionné à l’autre, et aussi une leçon de gouvernement comme service, dans l’Église comme hors de l’Église ». L’ancien père abbé cistercien a remarqué une banderole où était inscrit : « Merci Saint-Père pour votre liberté ». « Effectivement, souligne-t-il, Ratzinger a fait un acte de liberté en choisissant de renoncer à cette charge mais c’est aussi un acte libérateur pour les suivants. »
Mgr Henri Brincard, évêque du Puy en Velay, s’est dit, lui aussi, « bouleversé » devant « une vie donnée comme la sienne » : « Une très grande leçon de serviteur. Il s’est effacé pour nous centrer sur le Christ. Le temps passant, on comprendra que ce fut un grand pontificat. »
S’abstenant d’un ultime tour de papamobile, Benoît XVI a laissé un trône vide sur le parvis de « sa » basilique, ces temps-ci surmonté d’échafaudages dûs à des travaux de restauration, peut-être comme l’Église qu’il lègue à son successeur. Ce trône restera désormais vide jusqu’à l’élection de son successeur.