REACTION AU MEMORANDUM DE LA CENCO AU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE SUR L’ETAT ACTUEL DE LA NATION
La situation politique de ces derniers jours dans notre pays est dominée par la tenue annoncée du dialogue national devant permettre la sortie de la crise sécuritaire qui préoccupe au plus haut point les hautes institutions du pays. C’est dans ce cadre et devant cette liberté de proposer des formules de ce dialogue, que la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) vient de faire un mémorandum au Président de la République. L’analyse minutieuse de ce document révèle des ambitions politiques simulées dans la bonhomie affichée du prélat catholique dans la résolution pacifique des conflits sociaux. Ce sont ces ambitions politiques cachées que nous scrutons dans le texte ci-dessous.
INTRODUCTION
Réunis en session ordinaire à Kinshasa du 18 au 22 février 2013, les Archevêques et Evêques, membres du Comité permanent de la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (Cenco), ont saisi l’occasion pour relayer certaines voix qui se font entendre depuis un certain temps dans l’opinion publique nationale en rapport avec l’organisation d’un éventuel dialogue qui serait annoncé par le Président de la République dans son discours sur l’état de la nation du 15 décembre 2012 dernier.
Les prélats catholiques estiment que le Chef de l’Etat a fait une promesse qui a suscité plusieurs attentes au sein de toutes les couches de la population congolaise en général et de la classe politique en particulier. L’idée du dialogue qui est né de leur imagination ou de celle des autres politiques dont ils relayent le message serait, selon eux, une voie de sortie à la crise qui secoue la RDC depuis la publication des résultats des élections de novembre 2011. Ils pensent ainsi que les violences qui ont conduit à des situations tragiques liées à la prise de la ville de Goma par le M23 dans l’est du pays sont tributaires de cette crise.
Ils pensent ainsi, comme ils l’ont toujours souligné qu’un énième dialogue serait une voie royale et pacifique de sortie de crise et un élément constitutif de tout système démocratique. Ainsi, pour eux, il faut bien appréhender le dialogue dans le contexte actuel de notre pays pour qu’il contribue à la solution des problèmes qui entravent la bonne marche de la RDC.
Aussi, pensent les membres de la Cenco, cette crise présente plusieurs signes dont ils soulignent ceux qui, selon eux, préoccupent le plus et aggravent les frustrations de la population congolaise. C’est sur ce point précis que les observateurs avertis ne peuvent se laisser tromper. En y regardant de près, les plus minutieux d’entre eux dénichent la démarche des Archevêques et Evêques de l’Eglise Catholique de la RDC.
Conscients de la portée de l’implantation de leur Eglise au pays, de la crédibilité dont ils jouissent au sein de la société congolaise et de l’influence éventuelle qu’ils peuvent avoir sur les populations, les membres du conseil permanent de la CENCO tentent de se servir de la conjugaison de tous ces facteurs pour se faire les porte-voix de certains regroupements, partis et hommes politiques en mal de positionnement ainsi que des membres de certaines organisations de la société civile au service des ennemis de la RDC.
C’est ainsi que nous voulons apporter notre contribution au débat, en cours, sur la situation politique qui prévaut dans notre pays actuellement, en analysant, d’un œil avisé, les préoccupations librement exprimées tant au plan politique, socio-économique que sécuritaire en rapport avec la vie nationale de la RDC.
AU PLAN POLITIQUE
1. Les prélats catholiques relèvent ce qu’ils qualifient d’« un malaise lié au manque de consensus national au lendemain des élections de novembre 2011, dû aux irrégularités dénoncées, aux contestations des résultats et à la manière expéditive dont la justice s’est employée à résoudre les contentieux électoraux ».
En relevant ces éléments, les membres de la CENCO s’attèlent à relayer un message qui revient sans cesse dans les bouches des opposants qui avaient perdu aux élections présidentielles et législatives dernières. Et ils semblent avoir oublié que le malaise et les contestations auxquels ils font allusion ont été volontairement suscités par les mêmes, y compris les déclarations d’un des leurs, en la personne du Cardinal Laurent Monsengwo Pasinya.
Surtout que les contestations n’avaient jamais été les fruits d’une réaction spontanée des populations, des solutions issues des laboratoires politiques et stratégiques internes et externes à la RDC ; quand bien-même certaines irrégularités ont été reconnues par tous, l’imperfection faisant partie de la nature humaine. Et même alors, le gouvernement ainsi que d’autres services spécialisés de la République avaient usé de tous les moyens à leur disposition pour les limiter, le plus possible élaguer les risques d’embrasement dont avaient besoin ces laboratoires pour permettre le chaos et la balkanisation du pays. Ce qui nous tenterait d’affirmer qu’à les entendre parler, certains hommes d’Eglise seraient instrumentalisés pour aider certains acteurs du jeu politique malveillants à atteindre leurs objectifs
Quant à ce qu’ils qualifient de « la manière expéditive dont la justice s’est employée à résoudre les contentieux électoraux », la CENCO semble avoir oublié que la justice avait bel et bien fait son travail et que les seuls contestateurs aux résultats de l’élection présidentielle n’avaient pas eu raison de leurs allégations, faute des preuves et du non respect de la procédure en la matière. Et pourtant, au niveau des législatives, la justice avait pris tout son temps pour traiter chaque dossier en passant par le recomptage des voix, la vérification des PV de la CENI, et écoutant les témoins, jusqu’à ce que toutes les requêtes ont été épuisées.
En ce qui concerne la non organisation des élections locales qui ne sont pas encore arrivées jusque là, les Evêques cherchent à faire porter le chapeau au gouvernement de la République. Ce qui est de bon aloi. Toutefois, nul n’ignore qu’au sortir de Sun City, les partenaires internationaux avaient pris l’engagement de financer également cette phase de scrutins. Jusqu’à ces jours, ceux-ci n’ont jamais posé un acte dans ce sens, s’étant limités à financer les élections présidentielles et législatives de 2006. Et pourtant, à ce jour, le gouvernement de la République tente de mettre tous les mécanismes en œuvre pour arriver à relever ce qui se présente comme un défi pour lui, à savoir l’effectivité de la décentralisation qui devrait passer obligatoirement par l’organisation des élections locales, municipales et urbaines. Sans oublier qu’un calendrier a déjà été établi à ce sujet et c’est la nécessité des reformes voulues par tous qui a quelque peu retardé l’évolution de la situation. Les Evêques ont d’ailleurs reconnu et apprécié à leur juste valeur la volonté et les efforts déployés par le gouvernement de la République quant à ce.
2. Les membres de la CENCO attribuent l’entrave à la démocratie dans notre pays au foisonnement des partis politiques sans projet de société fiable et leur seul intérêt au seul pouvoir pour le pouvoir. S’il faut se poser la question de savoir : à qui profite cette situation ? Ils seraient les premiers à se gratter les têtes. Nous avons dit « démocratie » et les prélats catholiques le savent bien car l’Eglise en a payé du sang de ses fidèles dans ce pays (16 février 1992). Puisque c’est le pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple, en quoi le gouvernement de la République ou les institutions démocratiquement instituées peuvent-ils tenter quoi que ce soit pour empêcher cet état de choses ? C’est au peuple d’en décider à travers ses représentants. Peut-être qu’un seul pourrait sortir du lot un jour pour proposer qu’il soit révisé la loi qui donne la possibilité de créer autant de partis et y intégrer certaines restrictions ou conditionnalités en vue de limiter l’hémorragie.
3. Il en est de même avec celles d’entre les organisations de la Société Civile qui se détournent de leurs objectifs premiers. Sans oublier qu’eux-mêmes les Evêques semblent avoir été les premiers à donner le ton dans ce sens là. Le cas de Monseigneur Monsengwo aurait été l’exemple que bien d’autres acteurs de la société civile auraient suivi à sa juste valeur. Surtout, la CENCO a oublié la création des organisations de la Société civile basées sur les valeurs identitaires, l’appartenance régionale, tribale et ethnique, ce à quoi ils contribuent très impérativement.
AU PLAN SOCIO-ÉCONOMIQUE
4. La CENCO se montre préoccupée par le degré de pauvreté de la population, ce qui est tout à fait normal. Mais, il n’en reste pas moins qu’ils constatent avec satisfaction la maîtrise de l’inflation et la stabilité du cadre macro-économique. Nous osons croire qu’ils n’ignorent pas que tout développement est tributaire de l’environnement économique qui, lui-même, s’impose comme un véritable adjuvant aux investissements en grands capitaux étrangers et nationaux. Et, au regard des efforts qui sont fournis en ce moment par le Gouvernement de la République, la création des industries de transformation et l’investissement dans le domaine agricole qui, d’ailleurs, ont déjà commencé petit à petit vont en croissance jusqu’à ce qu’ils atteignent le seuil de la satisfaction des sociétaires
5. S’agissant de l’élaboration d’une politique nationale de gestion des ressources naturelles, les Evêques sont sans oublier que depuis un certain temps, notre pays s’est inscrit dans une logique de la gestion efficiente de nos ressources naturelles. Ce qui a conduit à l’adhésion aux processus internationaux de traçabilité et de gestion transparente des ressources naturelles tels le processus de Kimberley, l’ITIE, l’OADHA, etc.
Avec ça, des forums ont été organisés dont le dernier en date s’est déroulé à Lubumbashi il y a peu, toujours dans la démarche de la quête de la transparence et de la bonne gouvernance dans la gestion des ressources naturelles de notre pays. Associer à cela, la rigueur dans la gestion des entreprises et services publiques intervenant dans le secteur. Toutefois, la CENCO doit savoir que notre pays est très souvent convoité et victimes des toute forme de pressions des multinationales à cause de l’affaiblissement du matelas de sa défense (la cohésion nationale, l’efficacité de l’armée et des services de renseignement, etc.) auquel eux aussi ont contribué à depuis l’époque du feu président Mobutu.
Mais, dans la configuration actuelle du monde, les pays comme les nôtres qui regorgent autant des potentialités seront toujours objet de convoitises et des pressions mais, nous savons que notre gouvernement s’emploie à gérer les ambitions de ceux qui veulent venir y investir et remettre sur les rails ceux qui veulent toujours passer par des voix clandestines et inappropriées pour exploiter nos richesses.
6. En ce qui concerne la mise en œuvre du plan de développement des infrastructures, les prélats catholiques doivent avoir vu de leurs propres yeux ce qui s’est fait et qui continue à se faire. Hormis dans quelques zones où des difficultés liées à la situation sécuritaires ont été certaines, la reconstruction et/ou l’aménagement des infrastructures routières ainsi que d’autres tels des écoles et centres de santé sont perceptibles dans tous les coins du pays. Mais, ils ne doivent pas chercher à avancer l’absence de cette réalité comme une raison, pour certains de nos fils et filles, d’embrasser l’ennemi de la nation ou de s’investir dans des entreprises maléfiques tendant à déstabiliser le pays.
7. Effectivement, les populations congolaises n’ont pas encore commencé à jouir suffisamment des retombées des actions menées par leur Gouvernement. Ce qui est sûr c’est que, tous les efforts qui ont été fournis depuis l’avènement de la troisième République et qui continuent de l’être jusqu’à ce jour, sont orientés dans ce sens là mais le mal a tellement été profond qu’y sortir, relève d’un parcours qui exige de tous la patience car déjà, certains signes d’amélioration sont perceptibles dans tous les secteurs de la vie nationale.
8. Les frustrations sont réelles dans les provinces à cause des inégalités qui sont inévitables dans les capacités de chacune d’entre elles de produire à la hauteur de ses besoins. En tout état de cause, il faudrait reconnaître que la décision du gouvernement central de retarder un peu la mise en œuvre de la formule de rétrocession des 40% des revenus et de la caisse de péréquation a été salutaire, sinon les tensions et frustrations qu’auraient engendré l’application stricte de ses prescrits légaux auraient été incontrôlables. Peut-être que c’est ce qui est voulu par certains hommes d’Eglise dont l’adhésion aux objectifs égoïstes et politiquement motivés enlève de sa place exacte la qualité pastorale
AU PLAN SÉCURITAIRE
9. « Tous les conflits en RDC se déroulent dans les couloirs économiques et autours des puits miniers », constatent, depuis plus de 5 années, les Evêques membres de la CENCO. Ce qui prouve à suffisance que le problème n’est ni au niveau des institutions de la République ni, moins encore, entre les congolais. C’est justement, un problème d’intérêts des multinationales. Ces sociétés qui financent les groupes armés, en passant par les pays voisins que sont le Rwanda et l’Ouganda, pour exploiter clandestinement nos richesses. Ce qu’il faut, n’est pas uniquement, former des armées mais, aussi et surtout, déployer une diplomatie capable de persuader ces prédateurs sur l’intérêt à passer par des voies pacifiques indiquées pour investir proprement et gagner plus que par des voies clandestines qui sont les plus risquées. Rien à dire sur la reforme de l’armée et des autres services qui y sont connexes car la CENCO a été on ne peu plus claire sur les efforts que le Gouvernement de la République fournis depuis bien longtemps
10. Le constat quant à la modernisation et l’équipement de la Police nationale est plus ou moins acceptable. Mais les violences urbaines, bien que combattues et presque maîtrisées en ce jours à travers la majorité de métropoles du pays, nécessitent encore plus d’attention de la police. Elles pourront totalement être dissipées avec le développement socio-économique suite à la création des écoles professionnelles et des emplois pour tous les jeunes.
11. En ce qui concerne la corruption que les Evêques dénoncent au sein du système judiciaire congolais, l’Eglise aurait du mieux faire que de dénoncer et s’arrêter là. La population congolaise est à 80% composée des Chrétien dont la majorité est Catholique. Et les magistrats, juges et autres personnels de la justice son donc membre de l’Eglise et brebis de ces pasteurs qui veulent se mettre à l’écart. L’Etat a certes le rôle coercitif de prévention des délits mais si l’Eglise avait commencé par bien moraliser tous ces gens, on n’en serait pas arrivé là. Les responsabilités sont partagées mais l’Etat ne cesse de fournir les efforts pour tenter d’éradiquer ce fléau qui est aussi un véritable frein au développement
CONCLUSION
Somme toute, les Evêques membre du conseil permanent de la CENCO ont tenu à affirmer que leurs préoccupations auraient été à la base de la fragilisation de la cohésion nationale, du retard dans la consolidation de la démocratie et du développement tant attendus par tous les congolais. Ainsi, ont-ils tenu à proposer certaines pistes de solution pour, à leur avis, arriver à solutionner les problèmes qui se posent aujourd’hui en RDC.
Les propositions sont toujours les bienvenues. Mais, au regard du fait qu’elles sont fondées sur des revendications qui n’ont rien à avoir avec les vraies préoccupations des congolais elles devraient être prises avec des pincettes et analysées à fond, avant de pouvoir envisager leur mise en œuvre. Ce, à cause du fait qu’elles se ont foncièrement inspirées des imputations formulées par les politiciens en mal de positionnement et leurs appuis qui se camouflent derrière des fausses casquettes des organisation de la société civile inféodées par des politiques et d’autres ennemis extérieurs de la nation qui les financent.
En guise de conclusion, nous sommes tentés de soutenir que les prélats catholiques tentent de jongler avec des concepts et des constructions sémantiques pour obliger le Président de la République à les suivre dans leur piège et s’y laisser prendre. Sans atermoiement, ils reconnaissent en chœur que la Nation se trouve à un tournant décisif : « Elle peut réussir un avenir meilleur si toutes ses forces vives s’engagent à respecter les règles de la démocratie et à observer scrupuleusement l’ordre constitutionnel ». Ce pourquoi ils en appellent vivement à la sagesse et à la responsabilité de tous les élus. A moins que des esprits ouverts soient entrés en léthargie pendant ce temps sinon, ils comprendraient pertinemment bien que cette appel est complètement porteur des germes de conflit et d’incitation à l’insurrection. Qui aurait soulevé, dans ce pays et dans le contexte qui est le notre, une quelconque question de modification de la constitution à laquelle la CENCO fait allusion lorsqu’elle affirme que « …dans le contexte qui est le notre, nous réaffirmons que notre Constitution, qui a fait objet d’un consensus national par un referendum et qui est le socle de notre démocratie, ne doit pas être modifiée en son article 220 ». Ce qui est dommage c’est de constater qu’en son temps, la même CENCO n’avait pas manqué de voix, par la bouche de son président pour dire haut et fort que les congolais n’avaient pas voté pour la constitution et que son application aurait été opté pour l’imposition au peuple d’une loi fondamental qu’il a rejeté. En quoi, cette même Constitution de 2006 a-t-elle fait objet d’un consensus national par un referendum ? De qui se moque-t-on ? Le peuple congolais n’est pas aussi dupe qu’ose le croire les Evêques.
Non seulement qu’ils tentent d’exploiter le peuple congolais en le prenant pour naïf, les prélats catholiques n’hésitent pas à dévergonder le sens du propos du Chef de l’Etat Joseph Kabila Kabange qui, lui avait fait appel à des concertations nationales au cours desquelles les acteurs de différents secteurs de la vie nationale pourront essayer de tabler sur la situation qui prévaut dans l’est de la RDC. Sans honte ni vergogne, ils tiennent à faire passer l’idée d’un dialogue au cours duquel les uns et les autres viendraient s’assoir, une fois de plus, pour commencer à discuter du pouvoir, de l’impérium, de la légitimités, des postes au sein des entreprises publique et désaxer complètement l’ordre institutionnel établi. Alors que, pas trop loin dans ce même texte, la CENCO tient à ce que l’ordre Constitutionnel soit respecté. Quel paradoxe ?
Il n’est pas interdit à tout individu ou groupe d’individu de porter sa voix haut, d’analyser la situation sociopolitique du pays et proposer des pistes de solution. Ce qui en est inquiétant c’est le fait qu’un individu ou groupe d’individus, Evêques soient-ils, tente d’exploiter la naïveté doctrinale du au respect et à l’obéissance imposés par l’Eglise à ses membres vis-à-vis de leurs pasteurs à des fins autres que religieux. Dieu seul sait.
Nathalie NKOY