DECLARATION DU 09 MARS 2013
Martin Fayulu et les FAC : « C’est pénible à dire mais, aujourd’hui, tout le monde est unanime que la RD Congo, est un grand vide. Il n’y a ni un gouvernement, ni une armée. Rien »
Le 27 décembre 2012 et le 20 février 2013, les Forces Acquises au Changement ont tenu deux points de presse importants au cours desquels nous avions notamment pris position sur la crise sécuritaire qui ronge le pays depuis un peu plus de dix ans maintenant et sur la signature le 24 février dernier à Addis-Abeba de l’Accord-Cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RD Congo et la région.
Lors de ces rencontres avec la presse, nous avions en substance déclaré que :
1. C’est Monsieur Kabila qui pose problème en RD Congo parce qu’il n’a pas le sens de la parole, n’a ni la vision, ni la volonté de mettre fin à la crise sécuritaire au Congo. Nous en avions administré la preuve en revisitant son discours d’investiture du 6 décembre 2006 et subséquemment tous ses messages à la nation devant le parlement réuni en congrès de décembre 2007, 2008, 2009, 2010 et 2012 en ce qui concerne particulièrement la situation sécuritaire à l’Est de notre pays ;
2. La RD Congo, comme Etat, a failli dans ses missions régaliennes et que la faiblesse de ses institutions contribue singulièrement à la persistance des cycles de violence et d’instabilité dans la partie Est de notre pays. L’histoire retiendra que la signature de l’Accord-cadre par Monsieur Joseph Kabila constitue donc une mise sous-tutelle formelle de la RD Congo.
Notre point de presse de ce jour va donc s’articuler autour de deux points ci-après :
- Les derniers évènements de Rutshuru qui exposent la complicité manifeste de Monsieur Joseph Kabila aux malheurs de nos frères et sœurs à l’Est du pays ;
- Le Rapport spécial du Secrétaire Général des Nations-Unies du 27 février 2013 sur la RD Congo et la région des Grands Lacs.
1. Des évènements de Rutshuru
Une fois de plus, ce qui s'est passé la semaine dernière à Rutshuru et ses localités, comme le témoigne également le Rapport spécial du Secrétaire Général sur la RD Congo et la région des Grands-Lacs, présenté le 27 février dernier devant le Conseil de Sécurité, confirme malheureusement la complicité et l’incompétence de Monsieur Joseph Kabila dans sa gestion laxiste des crises sécuritaire et politique qui minent notre pays et qui ouvrent la voie à ceux qui ne rêvent qu’à sa Balkanisation.
Sinon, comment justifier ce tour de passe-passe à propos des récents évènements de Rutshuru et ses localités entre le M23 et le gouvernement de Kinshasa ?
Les deux ailes du M23, aile Makenga et aile Runiga se sont battus à Rutshuru et ses localités. Cantonnées dans les environs, les FARDC ont profité de la situation confuse créée par ces affrontements pour mettre en déroute le M23. Aux premières heures du samedi 2 mars 2013, les FARDC contrôlaient entièrement les localités jadis occupées par le M23.
A la suite de la déconfiture du M23, il s’en est suivi une liesse populaire, nos compatriotes fêtant le départ du M23 de ces localités.
Curieusement, le même samedi, le Colonel Makenga, devenu Général de son état, fait une déclaration ahurissante à une radio périphérique disant : « l’occupation par les FARDC de Rutshuru et ces localités est une occupation ILLEGALE » au motif que pendant les négociations de Kampala, il a été décrété un cessez-le feu que le gouvernement de Kinshasa venait de violer. Et ce, contrairement aux déclarations légères du Porte-parole du gouvernement à ce sujet. Entre-temps, nous apprenions que Monsieur Kabila faisait un déplacement impromptu et dans la précipitation à Kampala.
Contre toute attente, dans la nuit du dimanche à lundi, le gouvernement de Kinshasa venait d’avoir un arrangement avec le M23 intimant l’ordre aux FARDC de se retirer de Rutshuru et ces localités pour permettre au M23 de se redéployer.
Quelle surprise pour nos compatriotes de constater le lundi matin que les FARDC s’étaient retirées dans la nuit au profit du M23 ?
Point n’est besoin de rappeler les exactions subies par nos compatriotes : règlement de comptes, viols et assassinats. Un véritable massacre.
Par ailleurs, nous apprenons que le 15 mars prochain, le gouvernement de Kinshasa s’apprête à signer au grand jour un accord de tous les dangers avec une aile du M23. Cet accord signifie intégration des militaires de Sultani Makenga au sein des FARDC contrairement à l’affirmation, le 27 février dernier, du Secrétaire général des Nations devant le Conseil de Sécurité fustigeant le fait que « l’intégration accélérée d’éléments issus de groupes armés dont les antécédents ne sont pas vérifiés, déstabilise les structures de commandement et de contrôle des FARDC et compromet le respect des règles de conduite et de discipline». Ce que, pour le Secrétaire général des Nations-Unies, constitue une des causes profondes de l’insécurité dans notre pays.
Maintenant, Monsieur Joseph Kabila peut-il affirmer devant la Nation et la Communauté internationale qu’il maitrise bien les antécédents des militaires M23 qu’il s’apprête à intégrer au sein des FARDC ?
Connaît-il réellement leurs nationalités ? Sont-ils devenus aujourd’hui des « bons rebelles » ?
Ont-ils cessé d’être des agitateurs de troubles impénitents, comme il les qualifiait le 7 décembre 2009 dans son discours sur l’Etat de la nation ? Ne les considère-t-il plus comme des « récidivistes et champions tristement célèbres en réédition perpétuelle de rebellions, en violations massives des droits de l’homme, en viols des femmes et de petites filles, ou en pillages des ressources de notre sol et sous-sol », comme il les désignait dans le même discours ?
Voilà donc, Monsieur Kabila s’apprête à rééditer ce que, aux yeux de la Communauté Internationale, constitue une des causes profondes de l’insécurité à l’Est de notre pays.
De là à affirmer que c’est lui qui crée ou entretient l’insécurité dans les Kivus, il n’y a qu’un pas que les observateurs avertis n’hésitent plus à franchir.
2. Du rapport spécial du Secrétaire Général des Nations-Unies sur la RD Congo
C’est pénible à dire mais, aujourd’hui, tout le monde est unanime que la RD Congo est un GRAND VIDE. Il n’y a ni un gouvernement, ni une armée. RIEN.
Et pour preuve, voici en substance le sombre tableau que présente le Secrétaire général des Nations-Unies devant le Conseil de Sécurité sur la RD Congo:
- En RD Congo, le cycle de la violence est entretenu par la présence persistante sur le sol congolais des groupes armés congolais et étrangers qui profitent de la CARENCE DU POUVOIR et des forces de l’ordre qui caractérise la région, l’ingérence des pays voisins, l’impunité généralisée et l’incapacité de l’armée et de la police nationale de protéger efficacement les civils et le territoire national et de maintenir l’ordre public. Les insuffisances de l’appareil judiciaire et du système pénitentiaire favorisent également cette instabilité généralisée ;
- Outre la présence des groupes armés, l’une des causes de la récurrence de la violence dans l’Est de la RD Congo est que le gouvernement n’est pas en mesure d’exercer pleinement son autorité sur cette partie du territoire national, et n’a guère les moyens de fournir les services essentiels dont a besoin la population, ni d’assurer la sécurité ;
- Les institutions de la RD Congo manquent cruellement de moyens et N’ASSUMENT pas leurs responsabilités. La corruption et l’impunité font gravement obstacle au renforcement de l’autorité de l’Etat. Aussi, le fait que les violations des droits de l’homme demeurent impunies, notamment celles commises envers les femmes et les enfants, est symptomatique de la FAIBLESSE de l’Etat et favorise les conflits ;
- Il y a lieu de s’inquiéter des restrictions des libertés politiques et de la tendance récente de l’exécutif congolais à CONCENTRER les pouvoirs entre ses mains ;
- L’ABSENCE de progrès vers la mise sur pieds d’une armée bien entrainée et bien équipée menace gravement la stabilité de la RD Congo ;
- Des décennies de mauvaise administration et de défaut de gouvernance ont sapé l’autorité de l’Etat. Les instances provinciales sont généralement dépourvues de moyens d’action et les institutions manquent de ressources, notamment de fonds. Les institutions judiciaires et les administrations fonctionnent mal et la présence policière est insuffisante. Cette situation est aggravée par les conditions d’emploi extrêmement défavorables des fonctionnaires ;
- Faute d’institutions efficaces, les autorités centrales éprouvent des difficultés à gouverner, à lever les impôts et à faire régner l’état de droit. Les institutions doivent souvent compter avec les réseaux criminels locaux et sont incapables d’imposer l’autorité de l’Etat, quand elles ne sont pas noyautés par des intérêts privés ;
- 71% de la population congolaise vit toujours dans une extrême pauvreté et la justice de la RD Congo fonctionne avec moins de 1% du budget de l’Etat. L’ingérence des fonctionnaires de tous les niveaux dans les processus judiciaires et la corruption sont chose courante, ce qui explique que l’impunité règne dans tout le pays ;
- La justice militaire est soumise à des pressions de la part de politiciens ou d’officiers supérieurs ;
- Le système pénitentiaire est caractérisé par des conditions de détention INHUMAINES, notamment le manque de services de santé et une surpopulation dramatique. Aucune coordination officielle ou informelle n’existe entre les Ministères de la justice et des droits de l’homme, de la défense nationale et de l’intérieur, qui se partagent la responsabilité du système pénitentiaire. Sur les quelque 18.000 détenus que compte la RD Congo, au moins 70 % soit près de 13.000 sont en détention préventive !
- Le jeu combiné d’un système financier poreux et opaque, de mécanismes judiciaires incapables de faire respecter les contrats et de l’absence d’organes efficaces de tutelle financière continue de décourager l’investisseur étranger légitime et l’entreprenariat local. Ainsi, le budget national et les budgets provinciaux demeurent sous-financés dans un pays vaste et potentiellement riche. Ce qui n’est pas sans incidence majeure sur le développement des infrastructures et la fourniture de services de base ;
- L’un après l’autre, divers indices internationaux indépendants classent la RD Congo parmi les pays les plus CORROMPUS au monde et les conséquences néfastes de la corruption sont considérables. S’ajoutant à la faiblesse et à l’opacité d’un système mal coordonné de perception des impôts et taxes et un système DEFICIENT de paiement des traitements et soldes et des subsides publics, la corruption explique l’ECHEC de l’Etat dans l’exécution de sa mission.
Ce sombre diagnostic du Secrétaire Général des Nations-Unies sur la RD Congo présente l’image honteuse d’un Etat en faillite. Si nous étions dans le domaine privé, une telle entreprise serait déjà mise en liquidation judiciaire.
Voilà pourquoi, la Communauté internationale a décidé, à travers l’Accord-cadre, de mettre notre pays sous-tutelle par:
- La poursuite de l’agencification des institutions de l’Etat à travers la création d’équipes mixtes de conseillers nationaux et internationaux ou l’affectation d’experts internationaux à des ministères clefs ;
- La mise en place de systèmes d’administration des finances des provinces et des collectivités territoriales congolaises;
- Le déploiement d’une brigade d’intervention spéciale relevant de la Monusco avec des moyens de renseignements qui facilitent la collecte, l’analyse et la diffusion des renseignements grâce aux systèmes d’observation aérienne sans pilotes;
- La nomination d’un Envoyé du Secrétaire Général pour la Région des Grands Lacs avec des prérogatives extraterritoriales immenses et dont le mandat sera d’un an mais reconductible « étant donné que les Nations-Unies sont appelées à rester longtemps présentes en RD Congo »;
Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs,
Comme on peut s’en rendre compte, la situation de notre pays est très sérieuse. La réalisation de ce « fait accompli » a été possible par l’incompétence et la mauvaise foi de Monsieur Joseph Kabila qui dévoile ainsi sa complicité dans le funeste projet de balkanisation de notre pays.
Pour les FAC, et au vu du constat ci-dessus, la solution réside dans la tenue rapide d'un dialogue politique inter-congolais, inclusif, franc et sincère entre toutes les forces vives de la nation afin de créer les conditions favorables à la réconciliation nationale et à la consolidation du processus démocratique.
Nous demandons donc au Secrétaire Général des Nations-Unies de proposer un facilitateur de ce dialogue.
En attendant le dialogue, nous exigeons l’ouverture d’une enquête qui devra établir les circonstances ayant déterminé le départ des FARDC de Kiwanja (Rutshuru) pour permettre au M23 de se redéployer en semant une fois de plus mort et désolation.
Vive la République Démocratique du Congo ;
Vive les Forces Acquises au Changement.
Nous vous remercions.
Fait à Kinshasa, le 09 mars 2013
Pour les FAC
Fayulu M. Martin
Coordonnateur