Le débat continue de faire rage autour des déclarations signées à Nairobi par le gouvernement congolais représenté par son ministre des Affaires Etrangères, Raymond Tshibanda, et les rebelles du M23, conduites par leur porte-parole, Bertrand Bisimwa.
Après les Forces Acquis au Changement de Martin Fayulu, la Coalition pour le Vrai Dialogue (CVD), une synergie des Forces socio- politiques avec l’Union pour la Nation Congolaise(UNC) de Vital Kamerhe en tête, vient de sortir du bois.
Au cours d’un point de presse animé hier lundi 16 décembre au siège de l’UNC sur l’avenue de l’Enseignement, le coordonateur de la Coalition pour le Vrai Dialogue et secrétaire Général de l’UNC, Jean Bertrand Ewanga a fustigé ce deal entre Kinshasa et les rebelles du M23 dans la capitale kenyane qu’il considère comme la prémonition de la balkanisation de la République Démocratique du Congo planifiée par les officines occultes.
Le Secrétaire Général de l’UNC a accusé le gouvernement de haute trahison pour avoir signé cet accord qu’il dissimule par la simple déclaration.
Pour ce proche de Kamerhe, le vrai dialogue national devient incontournable pour sauver la patrie de nouveau en danger. Ewanga a saisi également l’occasion pour annoncer une caravane de paix dans les tout prochains jours qui sera conduite par son autorité morale Vital Kamerhe accompagnés des membres de la CVD dans les territoires de l’Est pour réaffirmer l’intangibilité et l’intégrité territoriale de la RDC qui ne sont pas négociables.
Eric Wemba
Mesdames et Messieurs de la presse,
La Coalition pour le Vrai Dialogue, (CVD) en sigle, s’est réunie ce mardi 17 décembre à son siège pour analyser la situation générale du pays. Elle s’est penchée plus particulièrement sur la signature le 12 courant à Nairobi, des déclarations entre d’une part le gouvernement congolais représenté par son ministre des Affaires étrangères en la personne de monsieur Raymond TSHIBANDA et de l’autre les rebelles du M23 représentés par leur porte- parole Bertrand BISHIMWA.
La CVD tient à dire aux Congolaises et Congolais que le devoir sacré de mémoire pour un peuple l’oblige à rappeler qu’il y a à peine quelques semaine, le gouvernement congolais, par la voie de son ministre de l’information et porte-parole, en l’occurrence Monsieur Lambert Mende, avait, après la victoire militaire des FARDC sur les éléments du M23, annoncé à l’opinion nationale et claironné sur tous les toits du monde que le gouvernement ne signera jamais d’accord avec le M23 qui est une force négative, un groupe criminel et terroriste.
Au moment où la population congolaise endeuillée n’a pas encore fini de pleurer ses morts et de sécher ses larmes, au moment où les blessés de guerre n’ont pas encore fini de panser leurs plaies et, surtout au moment où les femmes congolaises victimes de viols massifs n’ont pas encore vu leurs bourreaux subir la force de la Loi, la CVD exprime sa profonde indignation en même temps que le peuple congolais tout entier de voir que le même gouvernement congolais représenté par son Ministre des affaires étrangères, s’est précipité le 12 décembre 2013, à Nairobi, à signer avec le M23 des déclarations mettant fin aux hostilités à l’Est de la République Démocratique du Congo.
La CVD tient à alerter l’opinion nationale sur la nature de ce énième engagement. En effet, subtilement présenté sous forme des déclarations signées séparément, ces engagements pris par la RDC ne sont en définitive que des accords qui se classent sous le régime des traités et accords internationaux prévu aux articles 213 à 217 (Titre VI) de la Constitution de la RD Congo.
A ce propos, l’article 215 de notre Constitution stipule : « Les traités et accords internationaux régulièrement conclus ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque traité ou accord, de son application par l’autre partie.
Mesdames et Messieurs de la Presse,
La CVD dénonce ces accords qui reprennent la quasi-totalité des revendications du M23 contenues dans l’accord du 23 mars 2009, lesquels accords sont à la base des guerres à répétition contre le Congo et de la mort de plus de plusieurs millions de Congolais.
Avec la signature de ces engagements, le Gouvernement congolais a, pour des raisons inavouées, permis au M23 et ses parrains rwandais et ougandais de revenir en force.
C’est dire que ce que le M23 et ceux qui le soutiennent recherchaient armes à la main par la guerre, ils l’ont obtenu et vont le récupérer progressivement et malicieusement par la grâce de ces, engagements pris par la RDC à Nairobi.
La CVD condamne donc la signature de ces engagements de la honte pris par le gouvernement le 13 décembre à Nairobi dans l’unique objectif de flouer la population congolaise. Elle refuse de cautionner toute démarche tendant à hypothéquer sous une forme ou une autre l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation, la paix et la sécurité des congolais ainsi que le destin national de tout un peuple.
Aucun pays au monde n’accepterait de se soumettre comme le gouvernement congolais vient de le’ faire à Nairobi, en signant des accords mal dissimulés sous l’étiquette de simples déclarations avec un gouvernement qualifié de force négative. Par cet acte, le gouvernement congolais a déshonoré et humilié le peuple congolais devant la face du monde. Par conséquent, il s’est mis en situation de ne plus ni mériter la confiance du peuple ni être pris au sérieux par personne, même pas par les instigateurs des guerres à répétition qui dévastent l& Congo depuis des décennies.
Fallait-il continuer à négocier avec une organisation criminelle en débandade ? Quel avantage le gouvernement congolais tire-t-il en allant jusqu’à signer ces accords avec le M23 vaincu militairement?
Cette attitude du gouvernement prouve à suffisance que la victoire annoncée des FARDC sur les éléments du M23 n’était qu’un leurre, de la poudre aux yeux des congolais. Elle a tout l’air d’un match joué d’avance et gagné à la complicité de l’arbitre dont les desseins sont insondables.
Mesdames et Messieurs de la Presse,
Car, à ce jour et grâce à la signature de ces engagements par le gouvernement congolais, le M23 et ses mentors Rwando-Ougandais sont les plus grands gagnants qui en sortent avec des victoires suivantes :
1. L’amnistie en faveur de tous éléments du M23 prévue par ces engagements vient consacrer une fois de plus la culture de l’impunité. Elle est prévue sans aucune évocation pour les populations congolaises victimes des affres de la guerre, d’une quelconque possibilité de porter plainte et d’obtenir réparation pour les dommages qu’elles ont subis de la part du M23,
2. Le gouvernement congolais a pris l’engagement de reconnaître le M23 en tant que «parti politique légitime ». Politiquement, ce groupe qualifié de force négative, va devenir un parti politique sans doute de la majorité présidentielle pour augmenter le nombre de ses membres en plus du RCD et du CNDP de NKUNDA BATUARE. Le peuple congolais n’est pas dupe ! Tous ces malheurs proviennent de l’AFDL qualifié en son temps par Mzee Laurent Kabila d’un conglomérat des aventuriers.
3. Les membres du M23 auront donc à occuper des postes ministériels au sein du gouvernement dit de cohésion nationale, dans les entreprises publiques et les services de sécurité. C’est la prime à la guerre que le gouvernement congolais s’est évertué à accorder à tous ceux qui prennent les armes pour massacrer notre peuple.
4. Le Rwanda et l’Ouganda, principaux soutiens du M23, ne sont pas obligés de livrer les criminels de guerres qui ont trouvé refuge dans ces deux pays. En signant ces engagements, la RDC n’a même pas la certitude que les auteurs de viols et crimes graves de guerre qui sont protégés par le Rwanda et l’Ouganda seront extradés, sachant très bien que le Rwanda et l’Ouganda qui les protègent ont déjà fait savoir qu’ils ne les extraderont jamais.
Ce faisant, le gouvernement congolais a manqué d’exiger au titre de préalable à toute discussion, comme l’arrestation, l’inculpation et l’extradition des auteurs de crimes de guerre et primes contre l’humanité.
5. Le transfèrement sans sélection de 1500 éléments du M23 cantonnés en Ouganda dont la prise en charge est assurée tous ces jours par le gouvernement congolais,’
6. Le gouvernement congolais s’est engagé à payer toute la facture des biens détruits et spoliés par les éléments du M23 pendant et dans les zones d’hostilité. Grâce à ces engagements, le M23 sera impliqué dans l’organisation du retour des réfugiés en lieu et place du HCR, de la MONUSCO, du Ministre de l’intérieur et du Gouvernorat.
Les populations congolaises qui ont subi les atrocités de la guerre sont obligées par cet accord d’accepter l’arrivée massive et l’entrée par la grande porte de leurs agresseurs, Ils sont obligés de cohabiter avec les mêmes personnes qui les ont martyrisées.
Le danger d’infiltration des étrangers rwandais est imminent avec en sous la carte de la balkanisation tel que joue l’Envoyé Spécial des Nations Unies pour la Région des Grands Lacs, Monsieur Russel Feingold.
La CVD tient à informer la population congolaise que cette panoplie d’avantages obtenus par le M23 grâce aux accords de Nairobi présente.de nombreuses conséquences négative pour la RDC.
En effet, l’implication du M23 dans l’opération du retour des réfugiés au Congo entraine l’infiltration des sujets rwandais et ougandais avec comme conséquence faire la surpopulation dans les zones convoitées par le Rwanda, l’Ouganda.
Il en résultera sûrement des étincelles et des problèmes de cohabitation avec les populations congolaises autochtones qui vont générer des conflits qui amèneront les forces obscures à réclamer l’auto-détermination de ces territoires et, en définitive, la balkanisation de la RDC.
Mesdames et Messieurs de la presse,
Fort de ces informations et de notre analyse, la CVD considère que la victoire militaire des FARDC sur le M23 devient à cause des signatures de Nairobi un cadeau empoisonné, Par cette démarche, le gouvernement congolais a trompé et humilié notre peuple pour faire la part belle au M23 et à ses soutiens, rwandais et ougandais. Le pays est en péril, C’est un acte de la haute trahison !
Profondément attachée à l’intégrité territoriale de la RDC qui n’est pas négociable, à la paix, à la sécurité et aux valeurs démocratiques, La CVD dénonce la faiblesse du gouvernement et l’absence criante d’un leadership clairvoyant, capable de présider aux destinées du Congo et du peuple congolais.
De ce qui précède, la CVD estime que, pour relever le défi de l sauvegarde de l’intégrité territoriale du pays de la sécurité des populations, de la paix et du développement en RDC et gérer avec efficience les questions des groupes armés, du processus électoral, du retour des réfugiés, de la réforme de l’armée, de la réforme de la police, de la justice, de la lutte contre la corruption et du respect des droits humains.
Etant donné qu’au point 08 de l’Accord, les parties ont pris l’engagement pour la réconciliation nationale, cela prouve à suffisance qu’ils ont rejoint la CVD qui ne cesse de réclamer un Vrai dialogue national, gage d’une véritable cohésion nationale.
Il ya donc impérieuse nécessité d’un vrai dialogue, autour d’une table, l’accompagne ment de la communauté internationale conformément à l’Accord d’Addis-Abeba et à la Résolution 2098 du Conseil de Sécurité des Nations Unies.
Pour ce faire, la CVD lance un appel aux Chefs d’Etat de la Région pour qu’ils travaillent, dans le respect de l’intangibilité de nos frontières respectives, pour le développement économique en vue du bien- être de nos populations.
La CVD saisit cette occasion pour annoncer aux populations du Nord et du SUD-KIVU ainsi que pelles de la Province Orientale, que la caravane de la paix prévue par son Autorité morale, l’honorable Vital KAMHERE aura bien lieu dans les tout prochains jours.
Le Président Vital KAMERHE qui conduira cette caravane dans toutes ces provinces et sera accompagné des leaders de la CVD ainsi que ceux de la plate-forme «Sauvons la RDC ».
Fait à Kinshasa, le 17 décembre 2013
POUR LA CVD
LE COORDONNATEUR
Extrait de l’engagement signé par Kinshasa à Naïrobi :
(…)
10. Mise en œuvre des conclusions de la Revue de l’Accord de Paix du 23 mars 2009
Le Gouvernement réaffirme sa détermination à finaliser la mise en œuvre des engagements qui avaient été pris dans le cadre de l’Accord du 23 mars 2009 signé avec le CNDP et qui, tels que stipulés dans les conclusions de la réévaluation dudit Accord (voir Annexe C) n’ont pas été réalisés ou l’ont été partiellement, qui sont encore d’actualité et dont il n’est pas spécifiquement question dans la présente Déclaration, notamment rengagement concernant la réhabilitation et le développement des zones affectées par les conflits. Par souci d’efficacité, le Gouvernement s’engage à confier cette tâche à une structure appropriée. (…)Publié le 20 décembre2013
L'un des acquis des trois documents signés il y a quelques jours à Nairobi, la capitale kenyane, est la mutation, prochainement, du mouvement rebelle dénommé M23 en parti politique. Ce mouvement, faut-il le rappeler, a agressé la République démocratique du Congo, dans sa partie orientale, pendant des années, causant, comme n'importe quelle guerre, des dégâts tant matériels qu'humains, dont les conséquences se feront encore sentir pendant de longues années.
C'est en effet là l'un des méfaits de la guerre. Même une attaque-éclair, qui a utilisé des armes à feu, laisse inévitablement des dégâts irréparables. Loin d'être une nouveauté, le M23 est une émanation d'une autre rébellion qui avait déjà, en son temps, ensanglanté toute une région du Congo et qui a été elle également transformée en parti politique.
Cette fois-ci, la guerre s'est terminée d'une manière classique. C'est-à-dire qu'un des belligérants, en l'occurrence le M23, a été complètement défenestré et émietté. Sur le plan militaire, tout s'est arrêté là. Politiquement, cependant, il était question que le vainqueur dicta sa loi au vaincu en lui imposant la signature d'un document d'abdication totalement en sa faveur comme cela se passe partout ailleurs.
Mais la RDC étant un pays de contraste, la communauté internationale, vraisemblablement pour des raisons occultes, a imposé au vainqueur de signer un accord avec le vaincu. De tergiversations en tergiversations, les deux parties, l'une existant et l'autre parlant de l'outre-tombe, sont arrivés à la conclusion selon laquelle chacune devait signer un document à part, une anomalité dont seuls les initiés peuvent appréhender les tenants et les aboutissants.
Plusieurs points sont repris dans chacune de ces documents. Force est quand même de reconnaître que les rebelles s'en sont plutôt bien tirés, s'il faut considérer qu'il ne s'agissait nullement d'un interlocuteur valable, mais plutôt d'un groupe défait.
Parmi ces points, le M23 s'est vu offrir l'opportunité de devenir un parti politique. Cette assertion a mis les Congolais tellement mal à l'aise qu'il y a des questions qu'ils n'ont pas pu s'empêcher de se poser.
Que vise réellement la communauté internationale ? L'aide qu'elle a apportée à la RDC n'était-elle donc qu'une mascarade dont le but final était d'amener le M23 à l'atteinte finalement des objectifs qu'il s'était fixés dès le début ? Sinon, pourquoi la RDC accepte-t-elle de brader sa victoire si chèrement acquise ? Qu'est-ce qui peut justifier cet acharnement à ressusciter absolument un mouvement, qualifiée par elle-même la communauté internationale de force négative, qui avait été complètement anéantie grâce, en partie, à elle ?
Le M23 a mis à rude épreuve les populations congolaises. Si celles du pays tout entier ont été traumatisées des mois durant, celles du Kivu ont souffert dans leur chair les innommables atrocités que les rebelles leur ont fait subir.
Comment les populations congolaises, particulièrement du Grand Kivu, supporteront-ils voir leurs bourreaux se pavaner comme membres libres d'un parti politique, quel que soit le nom qu'il portera, quelques temps seulement après la fin de la guerre ?
Ne fallait-il pas, du moins pour ceux qui ne sont pas convaincus de crimes contre l'humanité, d'un temps pendant lequel ils seraient frappés d'interdiction d'exercer leurs droits civiques ? Comment se passera la prochaine campagne électorale lorsque ces populations verront passer devant eux des gens qui leur ont volé leurs biens, qui les ont violés, battus, humiliés, tenir des meetings devant eux, les appelant à voter pour eux ?
La résurrection du M23 n'est-elle pas une façon de blanchir ce mouvement ? N'y aura-t-il pas des émules lorsqu'on sait, comme rappelé plus haut, que le M23 vient du CNDP qui, lui-même, a été sevré aux mamelles du RCD ? La signature de ces engagements est un arbre qui cache la forêt. Le Parlement, qui ne doit en aucune façon être occulté, doit se saisir de cet épineux dossier et le traiter avec toute la minutie voulue.
Jean-Claude Ntuala
M23/RDF à Nairobi –
Les accords de la honte et les vieux démons.
Le Congolais, 16 décembre 2013
« Vous avez voulu éviter la guerre au prix du déshonneur. Vous avez le déshonneur et vous aurez la guerre », lançait Winston Churchill à Neville Chamberlain qui venait de signer les accords de Munich avec Adolf Hitler.
C’est à peu près la sagesse que les autorités congolaises ont sûrement oublié de méditer en signant, comme ils viennent de le faire, une série d’engagements à Nairobi avec le M23, une organisation criminelle orchestrée par le Rwanda et l’Ouganda, et que les Congolais croyaient pourtant disparue.
Le déshonneur et la politique de la joue tendue
Le déshonneur pour le Congo est évidemment consommé. Aucun gouvernement au monde n’accepterait de se soumettre comme le régime de Joseph Kabila vient de le faire à Nairobi. Et si un gouvernement est capable de se déshonorer à ce point, devant son peuple et devant la face du monde, il se met en situation de ne plus être pris au sérieux par personne, surtout pas les instigateurs des guerres à répétition qui dévastent le Congo depuis deux décennies.
Ainsi les combattants rwandais du M23 et leurs parrains (Museveni et Kagamé) auront fini par plier le Congo et obtenir pratiquement tout ce qu’ils exigeaient les armes à la main. Car, faut-il le souligner, ces engagement de Nairobi reprennent le contenu des cauchemardesques accords du 23 mars 2009 dont se prévalait le M23, lesquels accords faisaient échos aux accords de Lemera du 23 octobre 1996, responsables des guerres à répétition contre le Congo et de la mort de plus de six millions de Congolais.
Les Congolais qui avaient cru, naïvement, que le M23 était fini vont devoir réapprendre à subir la présence de ces sinistres personnages. Car le régime de Joseph Kabila a pris l’engagement de reconnaître le M23 en tant que « parti politique légitime » (engagement n° 4).
Les accords de Nairobi vont plus loin en renouant avec la vieille tradition de l’impunité (engagement n° 1). En effet, une loi d’amnistie va être adoptée pour priver les victimes du M23 de la possibilité de porter plainte et d’obtenir réparation pour les dommages qu’elles ont subis.
Par ailleurs, le Congo n’a même pas la certitude que les auteurs de crimes graves seront extradés, sachant que le Rwanda et l’Ouganda qui les protègent ont déjà fait savoir qu’ils ne les extraderont jamais.
Ainsi un gouvernement, dont la population endeuillée n’a même pas fini de sécher ses larmes, aura manqué d’exiger au titre de préalable à toute discussion, des impératifs comme l’arrestation, l’inculpation et l’extradition des auteurs de crimes de guerre et crimes contre l’humanité. On croit rêver.
Il faudra par ailleurs que les Congolais acceptent l’arrivée massive de leurs agresseurs, par la grande porte, dans les mêmes villes qu’ils ont bombardées (Goma) pour cohabiter avec les mêmes populations qu’ils ont martyrisées. Nombreux vont être réintégrés dans la même armée qu’ils ont plusieurs fois combattue en tant que mutins, « rebelles », soldats rwandais, ougandais ou burundais. D’autres vont réintégrer les administrations où ils se sont illustrés de la pire de manière. Ceux qui sont en prison vont être libérés(engagement n° 3) et relâchés dans la nature, le processus DDR[1] au Congo n’étant pas réputé pour son efficacité.
Oublier, c’est mourir
Il faudra que les Congolais oublient qu’il s’agit bien des mêmes individus, animés des mêmes intentions, et dont la loyauté reste braquée sur Kigali et Kampala, et non Kinshasa, et qu’au premier mot d’ordre de Kigali et Kampala, ils reprendraient les armes comme d’habitude.
Winston Churchill dit, à ce propos, qu’« un peuple qui oublie son passé, se condamne à le revivre. »A Nairobi, les autorités de Kinshasa ont pu être frappées d’amnésie, mais les démons de Lemera étaient bel et bien sur place, et c’est désormais un nouveau cycle angoissant qui s’ouvre pour le Congo. La date du 12 décembre, aux allures d’un compte à rebours (12 : 12), va désormais devenir une obsession pour les Congolais. Le scenario semble même assez clairement tracé.
En effet, dans un accord comme celui-ci, deux données importent vraiment : le rapport des forces et les garants de son application. Sur le rapport des forces, cela crève les yeux. Le Congo s’est totalement rabaissé à tel point que sa victoire militaire apparait désormais comme ayant été pour l’essentiel une sorte de « match arrangé ». Le M23 étant la création du Rwanda et de l’Ouganda, selon plusieurs rapports des experts de l’ONU, les ONG et les chercheurs, c’est tout un gouvernement qui se sera rabaissé au niveau de marionnettes des Etats voisins.
Il en faudra du chemin pour que Kinshasa atteigne le niveau de respectabilité des pouvoirs de Kampala et Kigali pour envisager des discussions d’Etat à Etat.
Quant aux garants des accords de Nairobi, les Congolais n’ont pas à se bercer d’illusion sur leurs intentions. Elles sont nocives. L’Américain Russ Feingold a déjà exprimé le fond de sa pensée. Il ne considère pas le Congo comme étant une « nation souveraine[2] » et a dernièrement évoqué la question taboue du tracé des frontières[3]. Il reprenait ainsi les deux discours de Pasteur Bizimungu, l’ancien Président rwandais, qui, en 1996, parlait de Berlin II, c’est-à-dire la révision des frontières actuelles du Rwanda pour en étendre le territoire sur le Kivu.
L’Ouganda de Yoweri Museveni n’est guère plus rassurant puisqu’il nourrit les mêmes prétentions territoriales et n’a pas hésité à s’emparer du territoire congolais de Mahagi, en octobre dernier, au moment où l’armée rwandaise, sous couvert du M23, bombardait la ville de Goma et massaient les troupes de l’autre côté de la frontière à Gisenyi. Ces deux pays vont donc s’associer à la mise en œuvre des accords de Nairobi, notamment au sujet du retour des réfugiés (engagement n° 6). Ce sont donc là les garants des accords de Nairobi qui, naturellement, pourront, un jour ou un autre, décider arbitrairement que le Congo exécute ou n’exécute pas ses engagements.
Dilapider la liberté de son peuple est un suicide
En gros, ces accords consacrent un acte de renonciation à la liberté. Les Congolais avaient acquis une certaine liberté après la reprise du contrôle du territoire national par l’armée. Avec les « accords de Nairobi », cette liberté n’est plus aussi certaine. Le gouvernement espère garantir la sécurité du peuple congolais en sacrifiant la liberté de sa population obligée de subir, à nouveau, la présence du M23.
Ce qui donne à méditer cette pensée de Benjamin Franklin :
« Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni la liberté ni la sécurité, et finit par perdre les deux. »
Les Congolais n’avaient pas à signer les accords de Nairobi, mais ils l’ont fait. Comme avant eux, d’autres Congolais signèrent les accords de Lemera. L’histoire fut impitoyable pour de millions de Congolais qui avaient cru, naïvement, qu’il ne s’agissait que d’un papier banal, emportés qu’ils étaient dans l’euphorie d’une chute certaine de Mobutu. Tout comme ils le sont aujourd’hui dans l’euphorie de la « victoire » des FARDC, sûrement trop magnifiée.
L’histoire, après les accords de Lemera, ne fut pas seulement impitoyable pour la population congolaise (massacres, viols, pillages, exodes, exil,…). Elle le sera aussi pour les « politiciens » qui avaient personnellement apposé leurs signatures sur le document.
En l’espace de quatre ans, tous avaient péri de mort violente[4] ou avaient disparu de la circulation[5].
BONIFACE MUSAVULI/AN
[1] Désarmement, démobilisation et réintégration (DDR). Le processus de DDR est un ensemble de missions de l’ONU en matière d’efforts de consolidation de la paix après un conflit. Il s’inscrit dans le cadre des mandats confiés aux opérations de maintien de la paix. [4] Laurent-Désiré Kabila du PRP (Parti de la Révolution populaire), André Kisase Ngandu du CNRD(Conseil National de Résistance pour la Démocratie), Anselme Masasu Nindaga du MRLZ (Mouvement Révolutionnaire pour la Libération du Zaïre). [5] Déogratias Bugera de l’ADP (Alliance Démocratique des Peuples) et Bizima Karaha. - See more at: http://www.lecongolais.cd/m23rdf-a-nairobi-les-accords-de-la-honte-et-les-vieux-demons/#sthash.qy5BXXOg.dpuf
Accord RDC - M23 à Nairobi :
On risque de revenir à la case départ
L’Afdl a donné naissance au RCD ; la RCD a engendré le CNDP ; le CNDP a accouché du M23. Douter de cette filiation c’est se moquer du peuple congolais. Car, du grand-père à l’arrière petit-fils qu’est le M23 il y a un cordon ombilical qu’est le cahier des charges unique qui survit aux générations et fait ressortir leur arbre généalogique. A l’instar du grand-père, le M23 trouvera à redire dans ce que Kinshasa lui a concédé. Au besoin, comme l’avaient ses aïeux en son temps, il va jeter les bâtons dans les roues de Kinshasa, glisser sous ses pieds des peaux de banane jusqu’à ce que celui-ci craque et crie : y en a marre ! Alors là, le M23 soutenu par les éternels parrains ougando-rwandais va brandir le non respect des engagements de la part de Kinshasa et trouver ainsi des prétextes pour reprendre les armes.
Les pourparlers entamés à Kampala entre le M23 et Kinshasa ont pris fin jeudi à Nairobi. Accueillie à Kinshasa comme une victoire et la fin d’un cauchemar, la conclusion de ces négociations qui ont pris plus de temps que prévu, est assortie de trois documents dont deux déclarations des belligérants et un communiqué conjoint CIRGL-SADC, deux organisations sous régionales qui se sont impliquées activement pour le retour de la paix en RDC et dans les Grands Lacs. Mais, à la lecture attentive desdits documents, d’aucuns restent sceptiques quant à l’avenir. Raison : dans le fond, le M23 est sur les traces du RCD et du CNDP.
A la victoire des FARDC sur le M23 s’est ajoutée la conclusion le 12 décembre 3013 à Nairobi (Kenya) des pourparlers entamés à Kampala le 9 décembre 2012 entre le gouvernement et le mouvement rebelle. Faut-il en rire ou pleurer ? La question est sur toutes lèvres dès que le contenu des documents qui ont consacré la fin des négociations entre les deux protagonistes a été rendu public.
En cause, le flou qui persiste sur les onze points qui ont mis d’accord Kinshasa et l’ex-M23. Il y a, entre autres, la libération des membres du M23 arrêtés pour des faits de guerre et insurrectionnels, la mutation du M23 en parti politique. Ce n’est pas tout. Il y a aussi le droit accordé aux membres du M23 de faire partie des Commissions à créer.
Il s‘agit de celle relative à la réconciliation et justice ; de celle en charge de la question des biens spoliés, extorqués, volés, pillés et détruits, terres comprises ; de celle chargée de la mise en œuvre des engagements pris par les parties et qui devra travailler avec le Mécanisme national de suivi de l’Accord d’Addis-Abeba.
Toutes ces concessions faites par Kinshasa au nom de la paix comportent un risque certain. Car, l’histoire de la RDC des dix-huit dernières années est écrite par les mêmes personnages. Quand bien même ils pourraient changer de temps en temps, il reste le fond, c’est-à-dire l’esprit qui anime ceux qui ont choisi de faire de la RDC un territoire ouvert au business sans frontières. Mais aussi sans foi ni loi. –
Dans le cas d’espèce, ce qui saute aux yeux c’est que l’on pourrait assister, avec la rentrée en scène du M23, à la réédition des épopées Afdl, RCD et CNDP.
L’Afdl a donné naissance au RCD ; la RCD a engendré le CNDP ; le CNDP a accouché du M23. Douter de cette filiation c’est se moquer du peuple congolais. Car, du grand-père à l’arrière petit-fils qu’est le M23 il y a un cordon ombilical qu’est le cahier des charges unique qui survit aux générations et fait ressortir leur arbre généalogique.
A l’instar du grand-père, le M23 trouvera à redire dans ce que Kinshasa lui a concédé. Au besoin, comme l’avaient ses aïeux en son temps, il va jeter les bâtons dans les roues de Kinshasa, glisser sous ses pieds des peaux de banane jusqu’à ce que celui-ci craque et crie : y en a marre ! Alors là, le M23 soutenu par les éternels parrains ougando-rwandais va brandir le non respect des engagements de la part de Kinshasa et trouver ainsi des prétextes pour reprendre les armes.
Fruit des entrailles de l’Afdl, le RCD s’est dressé comme un mouvement rebelle après avoir dirigé toutes les institutions de la RDC. Cette attitude lui a accordé toutes les faveurs à l’occasion du Dialogue intercongolais avant de faire partie de la formule 1+4 . La suite des événements a montré que cela n’a pas suffi pour renoncer à la lutte armée. Et ce fut la création du CNDP. Ne dit-on pas que les mêmes causes produisent les mêmes effets ? Le M23 aura beau se muer en parti politique, voire, faire partie de la majorité présidentielle, il ne sera jamais satisfait par rapport à son agenda caché dont il est d’ailleurs un simple sous-traitant.
Chat échaudé craint l’eau froide, dit une sagesse universelle. Kinshasa a tout intérêt à rester sur ses gardes et ne pas céder à enchantement béat. Que le M23 soit admis à faire partie des commissions à créer pour la mise en œuvre des engagements pris par les parties passe pour un chèque en blanc.
On lui aura accordé d’être juge et partie en ce qui concerne notamment ses membres poursuivis par la justice pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, ou ceux qui sont impliqués dans la spoliation des biens publics et privés.
Grosso modo, bien que la hache de guerre soit enterrée et la que dissolution du M23 comme groupe armé ait été annoncée – formellement – il n’est pas exclu que ce groupe armé engendre un autre monstre pour poursuivre le plan de partition de la RDC. D’ores et déjà la communauté internationale a embouché la révision des frontières, comme en écho aux fossoyeurs de l’ex-colonie belge.
Un autre goulot d’étranglement, c’est la réinsertion sociale des ex-mutins. Nul n’ignore comment s’est terminé le Programme DDR (Désarmement-Démobilisation-Réinsertion). Financé par la Banque mondiale, ce Programme a connu une gestion calamiteuse au point où, la veille de l’arrivée d’un haut responsable de cette institution de Bretton Woods à Kinshasa, toutes les archives ont été brûlées pour effacer toute trace de la magouille.
Et Kinshasa, qui s’engage à faciliter le désarmement, la démobilisation et la réinsertion des combattants du M23, n’est pas en mesure de tout supporter. C’est dire que cette réinsertion sociale est hypothétique. Le tri sera difficile. Et à la longue, on risque de revenir à la case départ, le M23 étant déjà sur les traces de ses parents.
[lePotentiel]