D'abord ce trou noir, un gros alors : ni les sites officiels de Vital Kamerhe, ni celui de Radio Okapi ne publient jusqu'à ce samedi 22 février à midi la moindre information sur les étapes de Beni et de Bukavu de la "Caravane pour la paix" lancée pourtant quatre jours plus tôt à Goma. Même Rfi, qui a pourtant sa correspondante dans le chef-lieu du Nord-Kivu, ne dit grand chose du Grand Nord ! Et voilà que tous ces médias reviennent en force en se servant des échauffourées de Bukavu, quatrième étape de la tournée. C'est à croire qu'après le "gros succès" de Goma dont les sites Kamerhe ont bombardé Internet d'images de reportage, le "trou noir" a demandé à être rapidement couvert à Bukavu par qui ce qui frappe, ce qui attire, ce qui choque : le sang ! De quoi faire régler à Marcellin Cishambo de vieux comptes...
Pourquoi seulement Marcellin Cishambo, gouverneur du Sud-Kivu, province dont Vital Kamerhe est aussi originaire, et non Julien Paluku originaire, lui, du Nord-Kivu ?
A question simple réponse simple : à l'instar de feu Augustin Katumba Mwanke, de Jean Mbuyu, d'Evariste Boshab, de Barnabé Kikaya, de Moïse Katumbi et même de Yerodia Abdoulaye Ndombasi, le gouverneur Cishambo fait partie du pré-carré des Kabilistes que Vital Kamerhe s'est résolu à conduire à la potence à tout prix, au motif qu'il Il les rend tous responsables certes de son éviction du perchoir de l'Assemblée nationale, mais surtout de l'exclusion de l'entourage immédiat du Raïs.
Partant, toute occasion de descendre en flammes ou aux enfers l'un ou l'autre est vite mise à profit.
L'étape de Bukavu en étant une, le président de l'Unc l'a exploitée au maximum en s'adressant aux médias périphériques qu'il croit manipuler à sa guise alors que c'est lui plutôt qui y étale ses faiblesses.
Ainsi, dans la dépêche de Radio Okapi mise en ligne le 20 février 2014 sous le titre "Bukavu : la police disperse un rassemblement de l’UNC, des blessés"et dont la dernière remise à jour est intervenue le 21 février à 7:14, Vital Kamerhe déclare : «Je ne sais pas où le gouverneur avait la tête. Une telle marée humaine, comment voulez-vous que 10 à 40 policiers la contiennent ? Il y avait plus de 300.000 à 400.000 personnes. C’est de l’irresponsabilité...", après avoir affirmé : « Il y a eu des blessés. Jusque là, je ne sais pas s’il ya eu des morts. Moi-même, j’étais à terre. Le seul tort que nous avons eu, c’est d’avoir été accueilli triomphalement». A Rfi, il ajoute : Je ne comprends pas comment le gouverneur gère sa province». Tandis qu'à Voa, il renchérit : "Le gouverneur de province n'est pas à sa place. Il reçoit les ordres du président Kabila mais il doit réfléchir ".
Rattrapé par les chiffres
Seulement voilà : ce Vital Kamerhe ne dit pas, c'est que la place de l'Indépendance est à l'intersection des trois communes que compte Bukavu : Bagira, Kadutu et Ibanda. Il est censé savoir que l'occupation, même temporaire, de ce site bloque totalement la circulation non seulement dans la ville, mais aussi en direction de plusieurs territoires de la province, et même en direction du Nord-Kivu en passant par Minova.
Ce qu'il ne dit pas non plus, c'est que Bukavu compte environ 550.000 habitants ! Quand bien même des militants viendraient de l'intérieur du Sud-Kivu, on conçoit mal une mobilisation de 300 ou 400 mille personnes pour une manifestation.
Ce qu'il ne dit surtout pas clairement, c'est que le maire de Bukavu - autorité établie pour décider finalement de l'itinéraire de la marche et du lieu du rassemblement final - a fait diffuser sur les antennes de la RTNC et de Radio Maendeleo un communiqué justifiant la délocalisation du meeting "pour ne pas entraver la circulation au rond-point de la place de l'Indépendance". Ce choix, poursuit la dépêche de Radio Okapi, a été rejetée par les membres de l'Unc au motif que "le stade de la Concorde de Kadutu, qui accueille dix mille personnes, ne saurait contenir tous les sympathisants de ce parti". Entendez les 300 à 400.000 Kamerhistes.
Pourtant, le stade des Martyrs - qui est même trois ou quatre fois plus grand que la place de l'Indépendance - a une capacité d'accueil de 80.000 places ! Même si on peut doubler cette capacité en occupant le terrain, on dépasserait péniblement 150.000 personnes.
En vérité, c'est-là un énième mensonge signé Kamerhe, rattrapé par les chiffres. Ceci de un.
De deux, cet acteur politique veut imposer au Congo un nouveau critère qui n'existe nulle part au monde : contraindre l'autorité d'accepter les conditions des organisateurs des manifestations publiques.
Dans cette logique, liberté va devoir être accordée demain à l'Unc de tenir son meeting devant le Palais de la Nation, ou encore au Pprd d'organiser le sien devant le siège de l'Udps.
Au moins dans son interview à "Top Congo Fm", Marcellin Cishambo a rappelé à Christian Lusakweno les conditions dans lesquelles s'organisent des marches en Belgique. C'est l'autorité locale, avec le concours de la police, qui décide finalement de l'itinéraire et du terminus. Car, la démocratie, c'est aussi l'obligation faite aux manifestants de respecter le droit des non manifestants à la libre circulation.
Rien de nouveau à dire à Bukavu
En attendant, on est bien en droit de se demander pourquoi Vital Kamerhe a-t-il fait de la Place de l'Indépendance une fixation alors qu'à Goma - par exemple - il a accepté de tenir son meeting au stade Afia, de loin de moindre capacité d'accueil comparé à la Place ex-Ozacaf !
Serait-ce parce que Goma ne représente que peu de choses à ses yeux par rapport à Bukavu ? Ou serait-ce parce qu'à Goma, le gouverneur Julien Paluku n'est pas du Pprd, encore moins du pré-carré kabiliste de Procoki !
La réponse est simple à deviner : Kamerhe n'avait rien de nouveau à dire à Bukavu par rapport à ce qu'il venait de dire à Goma, à Beni et à Butembo, quand bien même ses médias ont oublié de révéler le contenu du message adressé aux compatriotes du Grand-Nord. Pour rappel, au Nord-Kivu, le président de l'Unc a félicité les Fardc, exprimé sa solidarité à l'égard des populations locales et invité les groupes armés à intégrer le programme DDR. Il a demandé au Gouvernement et à la Monusco " d’établir un centre de transit doté de tous les nécessaires en nourriture, eau, assainissement et logement. Construire des camps DDRRR". Il a enjoint les Interahamwe de " rentrer au Rwanda, du fait que leur présence près de la frontière avec le Rwanda est entre autres prétextes pour les guerres d’agression". De même qu'il a enjoint l'Ouganda d'accueillir " aussi les ADF/NALU". Il a abordé en plus les questions d'ordre social (eau, électricité, etc.).
Voulait-il critiquer le bilan de Kabila ? Hélas !, les populations éveilléesdu Sud-Kivu, à l'instar de leurs compatriotes du Nord-Kivu, savent que ce bilan-là est aussi le sien !
Bref, Kamerhe a pris conscience de s'être planté.
Procès à l'Ouest contre électorat de l'Est
Il lui fallait nécessairement de quoi secouer l'opinion, et là le piège s'est refermé plutôt sur lui. Car l'événement dans les événements de Bukavu, c'est l'attentat dont il s'est dit l'objet.
Revoyons les images en circulation sur le Net. Deux sont mises en exergue. La première montre Kamerhe en tipoy. La second un certain Thierry - tout en sang - du fait de lui a offert son corps le pour protéger.
Est-on sûr - sauf naïveté criante - qu'un tireur avisé aurait attendu que Vital Kamerhe s'écroule avec son tipoy avant de l'abattre ? N'est-ce pas que c'est sur son tipoy qu'il faisait la cible indiquée ?
En définitive, les indices montrent clairement que le président de l'Unc voulait des incidents à Bukavu. Son objectif premier était de régler ses vieux comptes à Marcellin Cishambo.
Mais, il sait surtout qu'au terme de sa caravane, il doit retrouver le procès de l'affaire Wivine Moleka dont il a fait suspendre le processus le 6 février 2014 en allant en cassation.
A l'évidence, il voulait jouer son procès à l'Ouest contre son électorat de l'Est.
Bukavu devrait lui servi de prétexte, et c'est fait.
Malheureusement, au moment où il se croit dans son registre favori de victimisation, l'opinion avisée réalise à ses dépens combien Vital Kamerhe la méprise au travers de l'instrumentalisation dont elle est, elle-même, la vraie et l'unique victime.
On comprend déjà pourquoi à l'Opposition radicale - habituée à faire commettre à la Communauté internationale bien des erreurs d'appréciation depuis 1990 - se substitue aujourd'hui l'Opposition républicaine.
Omer Nsongo die Lema