Quantcast
Channel: Une nouvelle Afrique voit jour
Viewing all articles
Browse latest Browse all 7879

Le découpage territorial se révèle un pari à hauts risques

$
0
0
Kinshasa, 08/04/2015 / Politique
Parce que tous les contours de son processus demeurent non examinés pour sa concrétisation, le découpage territorial présente déjà un pari très risqué pour la RDC
altLe découpage territorial demeure une gageure tant tous les contours pour sa concrétisation n’ont pas été ni examinés ni rassemblés, notamment une programmation budgétaire. Depuis la promulgation de la loi y relative, ce projet bat de l’aile et se révèle être un pan risque non seulement pour le fonctionnement des institutions actuelles et futures mais également pour ce lui du processus électoral en cours. Nombreux sont les experts qui estiment que le projet de découpage territorial est mal parti. Le premier reproche qu’ils formulent à cette initiative, somme toute inscrite dans la Constitution, c’est la précipitation. Selon eux, le pouvoir en place est allé vite en besogne et pourtant, soutiennent-ils, rien ne l’empêchait de prendre tout son temps pour réunir tous les préalables à la matérialisation de son projet.

Le deuxième reproche, c’est l’absence d’une ligne budgétaire inscrite dans la loi des finances de 201 5 relativement au découpage territorial. Donc, il s’agit d’une improvisation. Même si l’on peut prétendre avoir le droit d’improviser, cette fois l’option levée frise l’entorse à la bonne gouvernance.

En clair, le découpage territorial, dans le cas d’espèce, n’était pas opportun Economiste de son état, Adolphe Muzito le relève dans une réflexion rendue publique récemment: « Pour n’avoir pas mené avec succès la réforme pour les anciennes provinces, notre pays n’a pas pu mettre en place des outils politiques, juridiques, comptables et financiers qui auraient pu l’aider à l’étape actuelle, à réaliser avec succès l’opération d’installation de nouvelles provinces dans les délais et les formes prescrits par la loi de programmation ».

Ancien Premier ministre, Adolphe Muzito indique que la grande difficulté qui empêche la réussite d’une répartition harmonieuse de l’héritage des provinces à démembrer au profit de nouvelles provinces reste l’inexistence pour le pays d’un budget de l’Etat. Selon lui, les nouvelles provinces seront victimes d’une faillite congénitale. Cette difficulté sera aggravée, renchérit-il, par le poids de nouvelles charges que devront supporter les nouveaux budgets provinciaux, poids consécutifs au personnel politique additionnel (20.000 élus locaux) et aux institutions politiques qui résulteront des élections locales de 2015.

Le pave de Lutundula

Evoluant dans le même ordre d’idées, Christophe Lutundula, député national de son état, fait savoir que l’installation précipitée, en 9 mois seulement, de nouvelles provinces à toutes les chances, aux conditions actuelles, d’être un fiasco. Sa conviction est que ladite « précipitation, que rien d’objectif ni de rationnel ne peut expliquer à ce jour, risque de faire éclater l’Etat congolais en 26 principautés misérables et fortement tribalisées ». Aussi estime-t-il que ce serait un crime contre la décentralisation que d’instrumentaliser l’installation de nouvelles provinces prévues à l’article 2 de la Constitution pour des fins politiciennes.

Christophe Lutundula est d’avis que les motivations qui ont présidé à la précipitation de l’installation de nouvelles provinces sont obscures : « Je sais que beaucoup de compatriotes, en particulier les politiciens, attendent impatiemment les élections locales et municipales ainsi que l’installation de nouvelles provinces pour occuper des positions de pouvoir dans leurs patelins et se constituer des cagnottes qui leur permettraient de gravir rapidement les escaliers de l’ascension sociale ».

A ceux qui vont l’accabler de tous les péchés d’Israël et le maudire pour avoir dit cette vérité, le président du Msdd rappelle que la déception sera au rendez-vous si l’on s’obstine dans cette voie. Il se défend en soutenant qu’en RDC la décentralisation n’est pas un simple transfert des richesses mais, au contraire, Celui des charges et des problèmes cauchemardesques. Il se dit convaincu qu’il ne suffira de trouver des ressources requises en vue de l’élection des membres de leurs organes délibérants pour prétendre rendre fonctionnelles les entités territoriales décentralisées (secteur, chefferie, commune et ville) et instaurer la démocratie à la base.

Christophe Lutundula justifie son scepticisme en s’appuyant sur le budget de l’Etat congolais pour l’année 2015. Evalué à environ 9 milliards USD dont moins de 5 milliards en ressources propres, ce budget est modique, révèle-t-il, surtout quand on intègre la multitude des villes et communes créées par le Gouvernement au cours de dix dernières années. Il en faudra davantage pour réunir des moyens indispensables à leur fonctionnement minimal après les élections.

Chiffres à l’appui, le député national décrit la complexité de la tache, mais aussi l’énormité de l’approche adoptée. De 169 il y a 15 ans, note-t-il, les entités territoriales décentralisées sont passées aujourd’hui à 1435 dont 97 villes, 601 communes, 478 secteurs et 259 chefferies, selon les sources officielles. Sur base d’un nombre moyen de 25 élus et membres de l’exécutif par entité décentralisée, l’installation de leurs organes ajoutera aux effectifs actuels de l’administration publique nationale, déjà pléthoriques, au moins 35.875 cadres politiques a rémunérer mensuellement: Avec une rémunération moyenne de 100 USD mois, la RDC devra trouver des ressources additionnelles d’au moins 3.587.500 USD/mois, soit 43.050.000 USD par an rien que pour les rémunérations de nouveaux élus locaux et municipaux ainsi que des membres de leurs exécutifs;

Les prédictions de Paluku

Pour étayer son argumentaire, Christophe Lutundula a cité un homme de terrain de la territoriale congolaise, en l’occurrence Julien Paluku, Gouverneur de la province du Kivu depuis plus de 7 ans. Celui-ci avait fait une intervention très intéressante à la tribune des ateliers organisés par le parti Lumumbiste Uni, PALU au Grand Hôtel de Kinshasa le 15 novembre 2014. Tirant des conclusions de l’expérience de la décentralisation en cours en RDC, Julien Paluku a déclaré : « Il saute à mes yeux que la mise en place des ETD (entités territoriales décentralisées) et des organes locaux est un danger et un piège pour la République Démocratique du Congo. Je ne nie pas à la pertinence des élections locales, mais le contexte financier dans lequel se trouve la RDC va l’amener à presqu’un arrêt cardiaque si ces élections sont organisées. 

L’analyse objective que je partage avec vous est que la RDC va indiscutablement vers d’autres ratés en organisant les élections locales dans les conditions actuelles de notre budget. Notre système actuel de décentralisation est, à mon humble avis à repenser en tirant des leçons sur les tâtonnements jusque là enregistrés. Ce système serait acceptable si la RDC avait un budget en ressources propres situé entre 20 et 30 milliards de dollars américains. C est ainsi qu’avant d’atteindre ce budget toute poursuite du processus de décentralisation actuel ne serait qu’une lueur et serait jeter de la poudre aux yeux de la population qui attend pourtant beaucoup de nous. Voilà pourquoi la réussite du processus passe par la réduction sensible des ETD pour les ramener de 1435 à 165 afin que les ressources collectées ne soient pas diluées dans le fonctionnement des institutions en sacrifiant le développement ».

Partageant les conclusions du gouverneur du Nord-Kivu, Christophe Lutundula indique qu’agir autrement serait faire preuve d’irresponsabilité criminelle et exposer les populations de l’arrière-pays à des pressions fiscales spoliatrices et à la rage « taxatoire » des agents publics prédateurs et véreux. Et cerise sur le gâteau, il rappelle que les socialistes français, réputés champions de la décentralisation sous François Mitterrand et Gaston Deferre, sont aujourd’hui entrain de revoir à la baisse le nombre des subdivisions administratives de la France pour les mêmes raisons des coûts budgétaires difficilement supportables par le Trésor public. Quid ? Il s’agit d’une question de gouvernance qui suppose la lutte contre le détournement des deniers publics, la maximisation des recettes, mais aussi leur affectation qui profite réellement à la population et au pays.

Le Potentiel

Viewing all articles
Browse latest Browse all 7879

Trending Articles



<script src="https://jsc.adskeeper.com/r/s/rssing.com.1596347.js" async> </script>