Trop de « petits crimes de lèse-majesté » séparant les deux opposants
Tshisekedi commettra-t-il l’infanticide ? Et Kamerhe le parricide ?
Le « dernier crime de lèse-majesté » commis à l’endroit du lider maximo par le président de l’Unc est sans doute la reconnaissance, par ce dernier, des institutions issues des élections du 28 novembre 2011. Concrètement parlant, Vital Kamerhe ne remet plus en cause le mandat du Président de la République, en la personne de Joseph Kabila, encore moins l’existence de l’Assemblée nationale présidée par Aubin Minaku et le Gouvernement Matata. Ce qui a pour conséquence logique de priver l’Opposition et le M.23 du prétexte du contentieux électoral, alias « vérité des urnes ». L’Udps a réagi dans sa mise au point du 11 février 2013 en démentant « toutes les informations faisant état d’une rencontre entre Etienne Tshisekedi et des personnalités pour parler du dialogue ».
Effectivement, dans son plan pour le « Dialogue national », Vital Kamerhe prend de court tous ses partenaires de l’Opposition dès lors qu’il considère que « Les objectifs spécifiques consisteront à créer les conditions idéales pour la poursuite du processus électoral inachevé, notamment par la tenue des élections provinciales, sénatoriales, municipales et urbaines ainsi que la mise en place de la petite territoriale… ».
En d’autres mots, en ne remettant pas en cause dans son plan le « contentieux électoral » relatif aux élections du 28 novembre 2011 et en en appelant, surtout, à la poursuite du processus inachevé (sic), Kamerhe tourne en réalité la page de la « vérité des urnes ». Il reconnaît l’effectivité des institutions issues de ces scrutins. De ce fait, il se place au diapason des organisations communautaires internationales et régionales comme les Nations Unies, l’Union africaine, la Sadc, la Ceeac, le Comesa et la Cirgl en plus des pays africains, américains, asiatiques, européens et océaniens qui, à l’unanimité, reconnaissent l’ordre institutionnel actuellement établi en RDCongo.
A l’Udps, il n’est pas exclu que l’enjeu ait été perçu en ces termes. D’où la décision de mettre un terme à la démarche entreprise auprès de son président par bon nombre d’Opposants dont Vital Kamerhe pour l’Unc et Thomas Luhaka pour le Mlc. En réaction, l’Udps soutient en accord avec son président qu’il n’est pas question de souscrire « au schéma visant la convocation d’un dialogue afin de mettre fin à la crise que connaît notre pays due à la tricherie organisée à l’élection présidentielle du 28/11/2011 ». Mieux, ce parti accuse carrément les défenseurs de la convocation du dialogue de chercher à « liquider la décision prise souverainement par le peuple congolais le 28/11/2011, crachant ainsi aussi bien sur le socle de la démocratie que sur la mémoire des toutes les violences électorales ».
Le désaveu est cinglant.
La série des petits « crimes de lèse-majesté »…
Ayant assurément une mémoire d’éléphant, Etienne Tshisekedi n’oublie d’autres « petits crimes de lèse-majesté » ponctuant les faits et gestes de Vital Kamerhe à son égard depuis l’annonce des élections de novembre 2011.
Le premier est certainement le fait pour l’ex-speaker de l’Assemblée nationale de s’être porté candidat à la présidentielle alors que la révision constitutionnelle opérée en janvier 2011 venait d'instaurer le scrutin à tour unique. On peut supposer que cette candidature (de trop ?) a ouvert la voie à d’autres candidatures, notamment celles de Léon Kengo, Nzanga Mobutu et Mbusa Nyamwisi venues porter ombrage à celle du lider maximo.
Dans l’ouvrage intitulé « ELECTIONS 2011. Joseph Kabila s’est préparé à gagner ; les 10 autres Non ! » sont décrites avec minutie certaines passes d’arme entre le lider maximo et « Zala na mbangu », principalement autour de la candidature unique ou commune.
Tenez !
Le 20 décembre 2010, dans une interview à Rfi, Tshisekedi, interrogé sur l’intérêt d’une alliance avec Jean-Pierre Bemba et Vital Kamerhe, répond : « Même si je suis disposé à faire appel à d’autres partis, c’est quand même l’Udps qui s’est battue trente ans pour, d’abord, gagner les élections. Je veux le faire avec les amis dans des plateformes à convenir. Mais, c’est d’abord sur l’UDPS que je compte. Il ne faut pas que je vous donne l’impression que si je ne me rallie pas avec les autres, je n’aurai pas gagné. Pas du tout ! C’est le contraire ! Je fais confiance à mon parti, qui est connu par notre peuple comme étant le seul parti qui a lutté longtemps pour l’intérêt de ce peuple-là. Je sais que l’union fait la force, mais ce n’est pas une nécessité pour moi » !
Après plusieurs rendez-vous manqués pour négocier la question électorale au sein de l’Opposition, Vital Kamerhe, sans doute excédé par ce qu’il entend et constate, lance dans une déclaration faite au journal « La Prospérité » parue le 14 octobre 2011 cette accusation grave : « Monsieur Etienne Tshisekedi n’est pas pour le partage des responsabilités (…) Monsieur Tshisekedi ne voudra jamais du ticket gagnant ; ça c’est clair ». Cette accusation est faite à deux semaines du démarrage de la campagne électorale fixé au 28 octobre 2011.
Bien plus, en pleine campagne électorale, le lider maximo révèle à l’opinion que Vital Kamerhe lui a fixé un faux rendez-vous aux Etats-Unis. Cet autre « petit crime de lèse-majesté » a pour effet de mettre à mal les candidats de l’Unc à la présidentielle et aux législatives dans tous les fiefs réputés tshisekedistes à Kinshasa, au Kasaï occidental et au Kasaï oriental. La preuve est que dans ces trois fiefs, l’Unc aura tout juste 4 députés nationaux !
Le 18 novembre 2011, à l’étape de Bunia, le candidat Vital Kamerhe préconise la stratégie d’encerclement du candidat Joseph Kabila. « Moi, je vais faire qu’il échoue lamentablement ici à l’Est (…). Tshisekedi va faire qu’il n’ait aucune voix dans les deux Kasaï. Tshisekedi et moi, Jean-Pierre et Thomas Lubunga, même étant loin, allons donner des mots d’ordre pour qu’il n’ait aucune voix… », dit-il, selon www.radiookapi.net.
Le 19 novembre 2011, le même site met en ligne la dépêche suivante : « Le candidat de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), Etienne Tshisekedi, a organisé une conférence de presse samedi 19 novembre à Lubumbashi au Katanga. Dans son discours, il rejette toute thèse de candidature commune de l’opposition pour battre le candidat Joseph Kabila. Etienne Tshisekedi a déclaré que l’UDPS n’a jamais été d’accord pour la candidature commune de l’opposition pour remporter les élections. ‘ Les élections sont faites par le peuple congolais qui est souverain. Tous sans exception veulent le changement. Ils savent ce qu’ils vont faire même devant 1.000 candidats’, dit-il (…) ».
Le 24 novembre – à 48 heures de la clôture de la campagne électorale fixée au 26 novembre 2011 - Etienne Tshisekedi persiste et signe :« Je n'ai jamais été d'accord avec les gens qui disent que l'opposition doit avoir un candidat commun pour gagner. Ça n'a rien affaire ! Le peuple congolais sait où il va [et] ce qu'il va faire. Les candidats peuvent être [au nombre de] de mille, ça ne va absolument rien changer à la situation’ ».
Le 30 novembre 2011, Colette Braeckman du journal « Le Soir » commente l’interview recueillie fraîchement d’Etienne Tshisekedi 48 heures après les élections. Parlant de Kamerhe, il déclare, citation : « Les voix récoltées par Kamerhe au Kivu, cela ne me concerne pas. Avant-hier, il est venu ici et j’ai refusé de le recevoir… Cela ne me dit rien… ».
Lorsque le 9 décembre 2011 la Céni proclame les résultats provisoires pour la présidentielle, les observateurs avertis réalisent que faute de candidature commune ou de candidature unique, les 9 autres candidats de l’Opposition font perdre au lider maximo 3.397.355 voix. Dont les 1.403.372 voix recueillies par Vital Kamerhe (7,74 %), les 898.362 par Léon Kengo wa Dondo (4,95 %), les 311.787 par Antipas Mbusa Nyamwisi (1,72 %), les 285.273 par François Joseph Mobutu Nzanga Gbangawe (1,57 %), les 128.820 par Jean Andeka Djamba (0,71 %), les 126.623 par Adam Bombole Intole (0,70 %), les 92.737 par Nicéphore Kakese Malela (0,51 %), les 78.151 voix par Josué Alex Mukendi (0,43 %) et les 72.260 voix parnOscar Kashala Lukumuema (0,40 %), aucun de ces candidats ne s’étant désisté pour Joseph Kabila. Faute de second tour, c’est des voix perdues inutilement puisque non négociables pour un repositionnement !
Or, en ajoutant toutes ces voix perdues aux 5.864.775 des voix gagnées par Etienne Tshisekedi (32,33 %), l’Udps sait que son président aurait pu remporter la présidentielle avec 9.262.130 voix, soit 50,05 %, contre 8.880.944 voix pour le candidat Joseph Kabila crédité de 48,95 %...
Même s’ils ne le disent pas ouvertement, les Udépésiens sont convaincus que Vital Kamerhe est pour beaucoup dans la défaite électorale de leur président, quand bien même il va chercher à se rattraper, d’abord en tentant d’impliquer l’Opposition dans sa requête en contestation des résultats proclamés par la Céni introduite auprès de la Cour suprême de justice, ensuite en entreprenant une tournée en Occident et en Afrique pour plaider pour la victoire du lider maximo sans, cependant, être en mesure d’en connaître le score exact. D’ailleurs, personne ne connaît score à l’Opposition, Tshisekedi en tête !
Faut-il encore relever que le lider maximo est, personnellement, à la base de sa mésaventure. Car, en voulant faire cavalier seul, il hypothéquera toutes ses chances de victoire, à supposer seulement qu’il ait vraiment eu envie de gagner. Ses faits et gestes, tels que révélés dans l’ouvrage « ELECTIONS 2011. Joseph Kabila s’est préparé à gagner ; les 10 autres Non ! », traduisent plutôt le contraire. Le lider maximo a tout planifié pour échouer et, partant, garder son statut (payant) d’éternel opposant.
Autre « petit crime de lèse-majesté » dont Vital Kamerhe se sera rendu coupable à son égard – et cela à son corps défendant – c’est la participation au congrès du Parti socialiste à Toulouse en octobre 2012, en lieu et place de l’Udps, pourtant membre de l’Internationale socialiste ! Souvenons-nous-en ! Le 13 octobre 2012, le lider maximo vient d’être reçu par François Hollande en marge de la tenue du XIV° sommet de la Francophonie tenue à Kinshasa. Au sortir de l’audience, triomphant, il affiche les liens de fraternité entre l’Udps et le Ps. Et voilà que moins de deux semaines après, le parti frère français oublie d’inviter le vrai parti frère congolais, lui préférant plutôt l’Unc !
En y ajoutant le dernier en date (plan pour le Dialogue national mettant une grosse croix sur la « vérité des urnes »), Kamerhe est évidemment perçu à l’Udps en liquidateur qualifié du lider maximo. Et pour cause !
Le parricide ou l’infanticide
Même si comparaison n’est pas raison, on peut au moins retenir que Tshisekedi fut entre 1960 et 1982 l’homme de confiance de Mobutu, exactement comme Kamerhe s’est fait passer pour l’homme de confiance de Kabila entre 2001 et 2009.
Pour se repositionner dans l’Opposition-maison (Groupe de Binza), Tshisekedi bénéficia largement du soutien des Occidentaux afin de promouvoir et asseoir l’Udps. Pour se repositionner dans l’Opposition-maison (Afdl), Kamerhe est dans la logique de bénéficier largement du soutien des Occidentaux afin de promouvoir et asseoir l’Unc.
Seulement voilà, mû par une haine viscérale à l’égard de Mobutu entre 1982 et 1997, Tshisekedi va rater toutes les occasions à lui offertes pour jouer un rôle prépondérant dans la gestion du pays, surtout à partir de 1990. Il va tout gâcher. Depuis, l’Occident semble lui tourner le dos. Comme sorti du même moule, Kamerhe, qui croit s’attirer la sympathie de l’Occident, développe malheureusement à l’égard de Joseph Kabila la même attitude haineuse. Trop pressé (d’où le surnom « Zala na mbangu »), il axera d’ailleurs sa campagne électorale plus sur le mépris envers le candidat Kabila que sur son propre programme de gouvernement.
En se rapprochant aujourd’hui de la thèse des Occidentaux et des Africains consistant à reconnaître l’existence officielle des institutions de la République issues des scrutins du 28 novembre 2011, Vital Kamerhe se démarque certes d’Etienne Tshisekedi, et ce dernier ne se fait pas prier pour le faire désavouer dans la mise au point du 11 février 2013.
Dans le camp présidentiel, le virage est certainement apprécié, sans cependant rassurer. En chat échaudé, la majorité attend la nature des dividendes escomptés.
Ce qui est au moins à retenir, c’est que le lider maximo en veut terriblement à Kamerhe. Il a déjà dit le 30 novembre 2011 ce qu’il pense de lui et de son électorat !
De Tshisekedi et Kamerhe, quelqu’un va incessamment commettre le parricide. Ou l’infanticide.
Ils ne sont pas faits pour s’entendre.
Omer Nsongo die Lema